#40jours #16 | si la ville si elle est là si j’y passe

Si la ville est là m’a-t-on dit pour s’y dissoudre, la ville me préserve dans mon anonymat et me dissout, j’ai disparu, elle est la cause anonyme de ma disparition. Si cette fenêtre sur la rue que je peux y être, comme on dit que rien ne gêne, on peut vivre en transparence ici, comme dans une enfance.

Si elle est ça, la ville – à jamais trop grande pour qu’elle soit un jour ma ville, avec la petite bascule italique du lien qui m’y attacherait, m’en ferai prendre soin, me ferait la sentir mienne et elle un peu de moi. Si jamais elle n’accroche, si j’y glisse, dans les transports les plans les horaires pour aller d’un ici à là-bas, souvent pour passer ma vie et la gagner, ne rien perdre surtout alors qu’elle ne fait que ça, s’étendre chaque jour plus loin dans sa perte.

Si j’y passe avec mes affinités qui élisent des places, des perspectives, des dégagements, des mélanges, des visages, mes affinités qui élisent les différences. Nos pas dans les rues, nos regards, nos bonjours, nos mercis c’est gentil.

Je traverse la ville comme le corps fluide d’un organisme géant, comme un poulpe dont les tentacules agitent mille et une histoires dont celle que personne ne connaît. Celle qui parle secrètement d’un recul ignoré de nous-mêmes. L’histoire des grandes villes où des flaques de vies se sont perdues sous la nôtre. Je sais que j’écris un texte trop silencieux pour le retenir chaque fois que je passe à certains endroits où il me faut revenir et revenir une autre fois, lorsque le temps m’aura autorisé une empreinte malléable. Je passe et repasse. C’est presque un corps que l’on veut retrouver en laissant l’espace libre.

A propos de Nolwenn Euzen

J'écris dans les ateliers du Tiers Livre depuis 2022. Cycles: "techniques et élargissements" , "le grand carnet", "photofictions" ou 40 jours d'écriture au quotidien" (juin-juillet 2022). Mon blog le carnet des ateliers concerne quelques séjours d'écriture et ateliers que je propose, associés notamment à la marche à pied. J'ai publié deux livres papiers et un au format numérique quand j'étais plus jeune. Je me fâche régulièrement avec l'écriture et me réconcilie. Je suis d'abord une infatigable lectrice. "Babel tango", Editions Tarmac "Cours ton calibre", Editions Qazaq "Présente", Editions L'idée bleue Ces revues m'ont accueillie dans le passé: La moitié du Fourbi, Sarrasine, A la dérive, Contre-allée, Neige d'août, Dans la lune... Et, grâce à l'anthologie "La poésie française pour les nuls" (éditions First) je sais que dans un des livres de la bibliothèque de la ville où j'habite, c'est moi. Et ça compte d'être tatouée comme ça. J'ai participé plusieurs années aux échanges de blog à blog des "vases communicants" - mon site a disparu depuis. En 2007, j'ai bénéficié d'une bourse de découverte du CNL. Le texte a été abouti. J'ai bifurqué vers d'autres urgences. Enfin voilà quand même, je suis contente d'être arrivé là bien qu'aujourd'hui le temps a passé et que j'ai toujours un casque de chantier sur la tête. J'aime ça.

2 commentaires à propos de “#40jours #16 | si la ville si elle est là si j’y passe”

  1. Merci Emmanuel 🙂 Contente que vous ayez été sensible à ce texte. Je me suis laissée conduire par cette consigne, par le texte de Cécile Wajdrot. J’ai particulièrement aimé cette fois-ci la porosité entre lecture et voix personnelle.