#40 jours #17 | à instruire

Le travail ? Mais quel travail ? éduquer les enfants les faire d’abord à la suite à la chaîne pour renouveler et agrandir le cheptel des âmes mortes à chair à canon et puis faire les courses les repas le ménage les lessives les vitres les poussières repriser laver repasser laver nettoyer laver préparer servir desservir laver essuyer ranger et recommencer demain et encore demain et pour finir s’allonger et

(*) il paraît que tous les jours qu’avait, dans sa très grande mansuétude, créés dieu, il lui apportait ou lui faisait livrer des bouquets de fleurs – unicolores nombre impair au delà de trente trois – j’invente mais c’était son style – dans la boîte à gants de sa voiture il y avait un paquet de craven a à bout de liège – elle était l’aînée – elle ne devait pas fumer pourtant, il s’est astreint à n’en plus rien faire ensuite – de travail non, la cuisine sans doute mais aidée d’une bonne qui faisait le ménage, la lessive mais pas les courses – elle aussi conduisait alors – jouait du piano dit-on – il paraît que dans les débuts des années trente son père était l’un des seuls à posséder une automobile – et puis la guerre a disposé de ce capital parce qu’ils (et surtout elles, comme on sait) étaient ce qu’ils étaient et que le pays qui les avait rendus citoyens se méfiait de cette obédience comme de la peste et tentait, par tous les moyens, comme le lui indiquait d’ailleurs l’ordure devant laquelle il se prosternait, d’éradiquer cette engeance

(*) elle était la seconde, c’était mon amie – elle naquit en février seize – elle poursuivit quelques études mais pas le bac, non – puis elle partit, on ne la revit plus,elle vivait ailleurs, Prague Saint-Moritz Paris Londres Aix-la-Chapelle – Europe, Vienne ? je ne saurais pas te dire – elle racontait parfois ses voyages, cousant sur son lit – télé allumée – coudre oui – des années à assurer la décoration de magasins tenues par des amies, avenue Victor-Hugo, faubourg Saint-Honoré, rue de Verneuil – passer devant les vitrines des grands couturier, repérer le modèle (Dior d’abord) aller chez Dreyfus acheter le tissu rentrer et en faire la réplique – pour elle à ses mesures – gants de pécari sac de faiseur

Se lever le matin, vers six, plutôt tôt, se laver se vêtir se préparer puis pour les réveiller et les habiller les vêtir de ces habits les habituer – la chanson mais qu’est-ce qu’on nous demande/ mais qu’est-ce qu’on veut de nous/ qu’on se plie qu’on marchande/ qu’on se mette à genoux – la vie n’est pas ce que tu crois dépêche-toi vite encore plus vite on est pressés allez vite

Arriver en retard, dire bonjour, montrer son badge et courir aller vite se dépêcher refuser les avances envoyer paître ne pas crier hurler ne pas rire aux blagues grasses pour le soir se maquiller se coiffer se parfumer rire paraître s’amuser faire croire que oui possible pourquoi pas tout dépend boire fumer rire encore accueillir se laisser aller céder faire semblant maîtriser continuer accepter se haïr

Rêver rire sourire et apprendre à se laisser approcher regard tendresse amitié compréhension joie plaisir jouissance bonheur joie amour encore toujours jamais vivre enfin oui garder en silence le secret du trésor sentir grandir en soi le désir sentir en soi – quelque chose qu’on n’explique pas mais qui se sait, qu’on ne peut pas décrire – se sentir seule ? jamais garder le silence mais sans les mots ça n’existe pas

c’est quand il est mort qu’elle s’est mise à travailler – quand les enfants sont partis – les exemples actuels sont autres différents en ville – la vie du lever à six heures pour traire – ça n’existe plus peut-être mais il suffirait de regarder dans le champ juste devant la maison pour y voir l’étable dans laquelle on a installé l’électricité pour y voir quelque chose en hiver

(*) elle a commencé a prendre des cours de sténo-dactylo (ça se faisait à l’époque) puis son frère l’a engagée comme dactylo-facturière – elle travaillait sous les combles en face de son appartement à lui, une société de courtage – il y avait un comptable, une dactylo et le courtier – son frère, ils allaient rue Daniel Casanova le soir boire un verre – ou à l’Intercontinental – puis plus ou moins les choses allaient comme elles allaient – il fut temps de cesser ce métier là pour un autre – elle conduisit des voiture de marque, des limousines de l’époque – dans les temps de la dauphine ou de la 4 chevaux, il était rare de voir des femmes au volant, mais elle a toujours aimé conduire – à la fin de son parcours professionnel (c’est beau comme de l’antique, un parcours professionnel) – quand elle a eu atteint les soixante-dix par là, plusieurs années secrétaires d’un vieux type qui vivait dans le douze – j’ai su ce qu’il faisait et puis j’ai oublié – son appartement donnait sur le Diderot vers le haut

pas le temps de relire ni de faire attention mais à compléter sans doute probablement plus à centrer sur les gestes du travail - mais quel travail ? en se retournant, on n'aperçoit que des bribes de quelque chose de différent de ce que c'est aujourd'hui - à revoir - il y a sans doute quelque chose comme du déplacement à écrire quelque chose sur cet état qui n'est pas le sien - rien ne nous différencie cependant sinon deux ou trois trucs - devant le travail peut-être ou le partage des taches - pas le temps, à développer 
retour d'après-midi : le travail est un mot qui indique quelque chose de l'accouchement - il m'est assez difficile de parler de celui de la sage-femme qui a accouché la mère de mes filles (je me souviens de la première; ce n'est sans doute pas le lieu d'indiquer ce détail mais ça se passait aux Lilas, à la clinique du Coq Français magnifique maternité qui est menacée de fermeture)
c'est sans doute aussi un peu difficile pour moi (et ceux de mon genre) de parler des règles des semaines d'aménorrhée 

je ne suis pas les zooms (du verbe suivre comme de l'être) parce que, au moment de l'expansion de ce type de "relation", le patronat en a profité pour s'introduire plus avant dans la vie de ses subordonné.es et que ce sont des pratiques que j'agonis : cependant, il faut reconnaître que dans notre monde, je veux dire le virtuel, c'est commode - bonne suite - le travail est le lieu du monde ou de la réalité le plus certainement genré qui soit, aux clivages formidables (combien de sages-hommes ? combien de femmes pilote de ligne ou amirale ou présidente de la  république ?) - je n'en ai pas le temps ces jours-ci, mais ça viendra peut-être ((*) en fait non), pour faire le compte des métiers exercés par les femmes ici mentionnées - nous en sommes à 27 participations, soit 81 personnes sans doute différentes, et un nombre de professions, lesquelles d'ailleurs, qu'il serait intéressant de dévoiler (il faudrait les intituler, par exemple, pour les 5 miennes (il existe une catégorie "au foyer" dans la nomenclature de l'Insee - pour la 1 et la 2) et notamment la 3 ou la 4 qui pratique certainement un métier - ou tient un poste - exerce une profession - mais laquelle ou lequel ? Mystère) qui donnerait une image singulière de l'atelier - à croiser sans doute avec le genre des participant.es

(*) addenda du zéro quatre zéro sept vingt deux vers dix-sept heures vingt-deux

A propos de Piero Cohen-Hadria

(c'est plus facile avec les liens) la bio ça peut-être là : https://www.tierslivre.net/revue/spip.php?article625#nb10 et le site plutôt là : https://www.pendantleweekend.net/ les (*) réfèrent à des entrées (ou étiquettes) du blog pendant le week-end

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