#40jours #21 | décalages

1. Descendre. Rue de Belleville. Côté vingtième. Du numéro quarante-six. Au numéro 2. Prendre une photo. Polaroid. De chaque plaque. De numéro d’immeuble. La coller. Avec de la colle. Très forte. Près des poignées. Des portes d’entrée. À hauteur d’homme.

2. Se munir d’une série. De bombes de peinture. De couleurs différentes. Remonter. Rue de Belleville. Côté dix-neuvième. Du métro. Jusqu’à la rue Rampal. Dessiner. Un carré. Plein. Quatre-vingts sur quatre-vingts. Sur le trottoir. Devant la porte. Des boutiques. Des restaurants. Tout. Sauf les immeubles d’habitation. Changer de couleur. Selon la nature des devantures.

3. Rouler. À vélo. Sur le trottoir. Du métro Pyrénées. Au métro Jourdain. Côté vingtième. Saluer. Ostensiblement. Chaque passant. Croisé. Donner. Un coup de sonnette. À chaque passant. Doublé.

4. Ligne. Onze. Du métro. De Goncourt. À Télégraphe. Inverser. Les panneaux des bouches de métro. Télégraphe. Place-des-Fêtes. Jourdain. Pyrénées. Belleville. Goncourt. Dans l’ordre en montant. Et plus en descendant. Qu’est-ce que ça change. Métro Belleville. S’appelle. Place-des- Fêtes.

5. Entrer. Dans chaque immeuble. Du quartier. Quadrilatère. De Colonel-Fabien. À Télégraphe. De Télégraphe. À Couronnes. De Couronnes. À Goncourt. De Goncourt. À Colonel-Fabien. Rue par rue. Attendre que le hall. Ou la cour. Soit sans personne. Photographier. Noir et blanc. Chaque lieu. Vide. Faire un livre de photos. Épais. Exhaustif. Légendé.

6. Tracer. Les marques. Chemin. De grande randonnée. Sur les arbres. Parc de Belleville. Sinuer.

7. Faire. Clignoter. Les lampadaires. Toute la nuit. Rue des Rigoles. Et rue de l’Est. Aléatoirement. Puis les faire. S’allumer. À la suite. En montant. Puis en descendant. Guirlandes.

8. Remettre. À leur place. Les anciennes. Enseignes. Des onze cinémas. De quartier. Situés. Jusque dans les années. Mille neuf cent cinquante. Le long. Rue de Belleville. À la place. Exacte. Où elles se trouvaient. Les fixer. Solidement. Sur de nouveaux immeubles. S’il le faut.

9. Peindre. Bleu clair. Ou jaune foncé. Les édicules. Des regards. Des eaux. De Belleville. Certains. Disparu. Subsistent. Encore. Ceux. Des Cascades. De la Chambrette. Du Chaudron. De la Lanterne. Lecouteux. Des Messiers. Des Petites-Rigoles. De la Planchette. Des Religieux de Saint-Martin-des-Champs. De la Roquette. Saint-Louis. Saint-Martin. Du Zouave.

10. Installer. Un toboggan. À trois. Ou quatre pentes. Successives. Bien raides. Dans le parc de Belleville. Pour qu’on ait. L’impression. En l’empruntant. De plonger. En glissant. Dans tout Paris.

A propos de Fil Berger

Fil Berger, je, donc, compose les textes qu’il écrit avec des artefacts sonores et graphiques et ses pièces musicales avec des artefacts d’écriture et graphiques. Le tout cherche, donc, une manière d’alchimie modeste située entre ces disciplines. Il a publié des livres d’artiste avec le plasticien Joël Leick chez Æncrages et Dumerchez. Quelques revues comme Paysages écrits, Traction Brabant ont retenu des textes. Il a travaillé et composé des pièces musicales documentées sur CD. Il a partagé pendant plus de vingt ans des moments de création avec des chorégraphes, des plasticiens, des auteurs, des improvisateurs et des compositeurs. Il a animé des ateliers d’écriture et de partitions graphiques avec des personnes de toutes sortes. Fil Berger, je, donc, est un improvisateur qui compose et performe en forgeant ses propres outils, ses champs lexicaux, ses instruments, sa présence au monde en les mettant sans cesse en variation continue. Son travail est la recherche de convergences multiples entre... l’idée et la pratique du « baroque » et... la pratique et l’idée de l’insurrection « œuvrière » autonome.

24 commentaires à propos de “#40jours #21 | décalages”

  1. J’aime assez la proposition 4. D’inversion du nom des stations sur la 11,
    et dans la 10, j’adore l’idée du toboggan me plait beaucoup. Ce qui est très jouissif dans toutes ces propositions, c’est la mise en avant du plaisir, du jeu…

    • Un grand merci à toi, Pascale !
      Ce texte a été assez difficile à faire, je suis vraiment d’autant plus reconnaissant pour ton retour !

  2. 1. ou de femme-ou d’enfant (hauteur)
    2. Métro Pyrénées ? Jourdain ? Télégraphe?
    3. (très difficile) Se munir d’un tampon et estampiller chacun.e d’elleux sur un lieu de son anatomie à tenir secret
    4. Ou mettre partout des écriteaux Belleville
    5. agir par quartier (Combat, Amérique etc.)
    6. choisir par essence une couleur
    7. de la rue des Rigoles à celle de l’Est ou l’une après l’autre ?
    8. parler de la 8 avec Schmoll (« j’allais rue des solitaires » etc.)
    9. Aucun regard en rouge, donc
    10. ils y sont déjà, non?
    Y’a du boulot (je peux pas t’aider, j’ai atelier). Bon courage surtout…

    • Hello Piero !
      Je vois que je ne peux pas te la faire, ô toi Bellevillois de fait et de cœur !
      Merci pour tes indications et conseils, qui me seront très utiles quand je reprendrai tous ces textes !

  3. Quel projet parfaitement détaillé (et quelles beautés il fera ressortir du haut XXe !) Pourrait-on y ajouter quelque chose ? Par exemple faire un truc dans le tunnel qui relie la 3bis à la 7bis avec sa station fantôme Haxo ?

  4. Je vois que les bellevillois sont pleins d’idées pour ce quartier. Je ne me souviens que du parc, alors l’idée du toboggan je la trouve géniale ! Merci, Fil !

    • Helena, fin des années 70, ce toboggan existait bel et bien. Le parc n’était alors qu’un immense terrain vague. Terrain d’aventures pour mes dix-huit ans…
      Merci pour ton passage par ici et pour ton retour !

  5. Oh mon dieu, mais que la barre hoc est belle , hic & hunc, je craque, et veux être assistante de ces dix foliae, mais où trouver la source de ce que je vais inventer, toi et Helena m’avez trop ravie, trop nourrie, rassasiée de vos inventivités et cet amour des villes connues par cœur, rien de tel par ici,

    • Oh, Catherine, c’est trop !
      J’ai eu un peu de mal à écrire, et je ne suis pas vraiment satisfait.
      J’aurais aimé créer plus de décalage avec le réel, quelque chose de plus engagé, de plus proche de Debord.
      Mais les retours que je reçois me touchent et me rassurent.
      J’attends ta proposition avec impatience, car je suis sûr que tu vas trouver les mots de tes villes décalées !

  6. et si on te laissait faire, tu peindrais partout, tu laisserais des carrés en couleur, tu changerais les pancartes de sens, on ne reconnaîtrait plus rien de ton quartier, mais on pourrait plonger dans tout Paris !…
    merci Fil
    (oui une proposition difficile pour moi aussi…)

    • En effet, Françoise, c’est un peu un chamboule-tout mes dix protocoles !
      Je m’y suis perdu un peu moi-même…
      Merci beaucoup pour ton retour, qui me touche et me fait sourire !

  7. Bonjour Clarence,
    Merci mille fois pour ton passage par ici !
    Belle journée et bises à toi aussi !

  8. Oh mon dieu, mais que la barre hoc est belle , hic & hunc, je craque, et veux être assistante de ces dix foliae, mais où trouver la source de ce que je vais inventer, toi et Helena m’avez trop ravie, trop nourrie, rassasiée de vos inventivités et cet amour des villes connues par cœur, rien de tel par ici,

    • Merci mille fois, Catherine !
      Mais c’est trop… ce texte a été assez difficile à faire. J’aurais aimé être plus proche de Debord, plus incisif, plus politique…
      Merci encore !!
      Je t’embrasse fort.

    • Merci Géraldine pour ton retour !
      Il me fait très plaisir et m’encourage pour la suite du programme…