#40jours #27 | Rien que les heures

Mais qu’est-ce que vous attendez pour commencer ? Tu ne veux pas répondre ? Tu ne sais pas quoi dire ? Pourquoi vous êtes-vous rendu sur place ce soir là ? Qu’est-ce qui vous y a poussé ? Êtes-vous toujours aussi obéissant ? Docile ? Qu’alliez-vous chercher là-bas ? Tu attendais des réponses ? Savais-tu ce qui allait se passer ? C’est l’inconnu qui vous attire ? Vous aimez prendre des risques ? Jouer avec le feu ? Tu ne veux vraiment rien dire ? Quand tu as entendu la première fois cette voix au téléphone, l’as-tu reconnue ? Avez-vous l’impression que ces notes vocales vous étaient adressées ? Il n’est pas pensable qu’il puisse s’agir d’un faux numéro ? La voix ressemblait elle à celle de quelqu’un de votre connaissance ? Un proche ? Cette femme vous parlait à vous ou racontait-elle ses histoires comme elle aurait pu le faire à un inconnu ? Vraiment tu ne t’en rappelles pas ? Qu’est-ce que tu nous caches ? De quoi parlaient toutes ces histoires ? Des scènes ou des événements ? Pensez-vous que ce que décrivaient ces récits étaient enregistrés en direct ? Sur le motif ? Sur le vif ? D’après photo ? Tu ne penses tout de même pas qu’il s’agissait de Madeleine ? Madeleine est morte, tu le sais bien ? Disparue, quelle différence ? Vous avez encore l’espoir de la retrouver un jour ? Est-ce que c’est qui vous a poussé à continuer ? Qui pouvait bien t’envoyer ces récits en provenance de pays où Madeleine elle-même travaillait ? Quelqu’un de proche ? Votre amie était bien photographe, n’est-ce pas ? Vous dîtes que chaque fois l’enregistrement du récit commençait par le lieu où se déroulait l’histoire ? Connaissais-tu ces lieux ? Y es-tu déjà allé ? Dans quels pays se situaient ces histoires ? Sur tous les continents ? Combien de pays différents ? Aviez-vous la sensation de vous transporter dans ces différents lieux ? Vous aviez l’impression de voir les images et tout ce qu’elles évoquaient ? Les scènes racontées étaient-elles réalistes ? Pensez-vous qu’il s’agissait d’inventions, ou bien ces récits s’appuyaient-ils sur des situations réelles ? Est-ce qu’il est arrivé que cette voix enregistrée à distance évoque plusieurs fois la même ville ? Le même pays ? Pourquoi avoir continué à marcher ainsi toute une journée ? Rien ne vous y forçait en vérité ? Vous ne vous arrêtiez jamais, pourquoi ? Ni pour manger ? Ni pour boire ? Tu n’as pas dormi du tout ? Vouliez-vous vous prouver quelque chose ? Éprouver quelque chose, c’est ce que vous venez de dire ? Quand as-tu enfin compris que tu suivais un itinéraire précis ? Elle voulait te mener à un endroit déterminé, n’est-ce pas ? Vous saviez où vous alliez, oui ou non ? À chaque fois un nouvel endroit ? Tu n’as jamais pensé que tu étais pris au piège, manipulé par tes propres projections ? Vous ne vous êtes jamais perdu en chemin ? Vous arriviez facilement à vous repérer tout au long de ce parcours à travers la ville ? Avec une carte ? Le GPS de votre téléphone portable ? Tu ne t’es jamais senti perdu, déboussolé ? À sa merci ? Tu n’étais pas épuisé à la fin ? Une journée entière sans dormir n’est-ce pas fatigant ? Aviez-vous déjà vécu pareille expérience ? Croyez-vous qu’il s’agissait d’un jeu ou d’une blague ? Une épreuve ? Malgré tous les détours, quand avez-vous compris que vous suiviez un chemin tout tracé ? Une ligne droite traversant toute la ville ? Avez-vous l’impression d’avoir perdu votre temps ? Qu’avez-vous ressenti au bout de la journée ? Tu n’es pas trop fatigué ? À bout ? C’est pas bientôt fini cette histoire ?

A propos de Philippe Diaz

Philippe Diaz aka Pierre Ménard : Écrivain (Le Quartanier, Publie.net, Actes Sud Junior, La Marelle, Contre Mur...), bibliothécaire à Paris, médiation numérique et atelier d'écriture Comment écrire au quotidien : 365 ateliers d'écriture, édité par Publie.net http://bit.ly/écrireauquotidien Son dernier livre : L'esprit d'escalier, publié par La Marelle éditions Son site : Liminaire

6 commentaires à propos de “#40jours #27 | Rien que les heures”

  1. Alternance de tu et de vous déroutante, dans cet interrogatoire qui laisse à bout de souffle.
    Merci Philippe pour ton texte haletant !

    • Merci beaucoup Philippe, c’est une forme libératrice pour réfléchir à voix haute (j’allais écrire à voix autre, mais c’est juste aussi) sur le récit à venir et permettre d’y voir plus clair sur les enjeux qu’on y perçoit.

    • Merci Françoise, je crois que c’est un exercice qu’on ne peut utiliser qu’en préparation de son texte, pour faire le point dessus. Si l’on va plus loin,le risque c’est de pédaler dans le vide et perdre le lecteur sur le bord de la route.