#40jours #37 | Lointain horizon

Tous les ans depuis quelques années nous revenons régulièrement en famille à Édenville, avenue de la plage à Carolles où Caroline a vécu lorsqu’elle était enfant. Elle y retrouve tous les étés et ses souvenirs d’enfants, et les enfants devenus adultes qu’elle y côtoyait, la maison de son enfance, L’îlot, et la plage et la dune de son enfance. La région est si plaisante que nos filles nous poussent à y revenir chaque été. Les versants de la vallée nous présentent leur beau profil creusé en V dans le massif de Carolles. Le chemin longe le Lude (son nom véritable est Le Crapot mais il est tombé dans l’oubli, peut-être pour ne pas le confondre avec son voisin, Le Crapeu, ruisseau arrosant en contrebas la Vallée des Peintres, les deux noms aux consonances approchantes ayant vraisemblablement la même origine), naît à Saint-Michel-des-Loups et parcourt 4,5 km avant de se jeter dans la mer. Il épouse le parcours d’une faille terrestre. Le ruisseau est dissimulé par la végétation verdoyante, son roulis de fontaine nous accompagne tout le chemin. Il serpente entre les genêts et les ajoncs avant de se jeter dans la mer au milieu d’un éboulis de rochers et de galets qui forme ce qu’on appelle le Port du Lude. La légende prétend que la vallée a été ouverte d’un coup d’épée de l’archange Saint-Michel dans sa lutte contre Satan, retranché sur le Rocher du Sard, appelé aussi Chaire du Diable. Je l’avais découvert quelques jours auparavant dans une brochure locale, je n’ai pas résisté à le raconter à mon jeune neveu le jour où nous sommes venus en famille réaliser le dernier vœux de Jacques, le beau-père de Caroline, qui souhaitait que ses enfants jettent ses cendres dans la Vallée du Lude. Armé d’un large bâton, mon neveu frayait le chemin en agitant à la hâte son artillerie improvisée à droite à gauche, luttant à armes inégales contre les ronces et orties. Nous passons donc régulièrement à cet endroit lorsque nous nous rendons à la Cabane Vauban, nous faisons cette promenade depuis Carolles-Plage, au pied du Pignon Butor. La randonnée débute par des escaliers assez raides, espacés de plusieurs points de vue sur la plage et la Baie de Granville. Une table d’orientation à la fin de la montée permet de se repérer. Nous continuons ensuite le long des falaises en suivant le balisage du GR. Il y a également un panneau indiquant la direction de la Cabane Vauban et de la vallée du Lude. Au petit pont sur le Lude, un panneau indique la Cabane Vauban. Avec le recul, je me rends compte aujourd’hui qu’il forme dans le paysage une croix de fortune. Le sentier remonte en haut des falaises par un nouvel escalier. Depuis la Cabane Vauban, on aperçoit le Mont Saint Michel et l’îlot de Tombelaine. En suivant le sentier sinueux de la vallée du Lude, on descend jusqu’à la plage qui offre un bel aperçu du pied des falaises et du Lude se jetant dans la mer. Ce lieu était déjà pour nous, de longue date, le lieu d’une secrète attirance, pour sa beauté et sa situation isolée, en soi comme un souvenir inoubliable (une fois là en effet on rêve d’ailleurs, d’un lointain horizon qui nous attire irrésistiblement et nous laisse rêveur), où la mer s’écrase sur les galets gris.

A propos de Philippe Diaz

Philippe Diaz aka Pierre Ménard : Écrivain (Le Quartanier, Publie.net, Actes Sud Junior, La Marelle, Contre Mur...), bibliothécaire à Paris, médiation numérique et atelier d'écriture Comment écrire au quotidien : 365 ateliers d'écriture, édité par Publie.net http://bit.ly/écrireauquotidien Son dernier livre : L'esprit d'escalier, publié par La Marelle éditions Son site : Liminaire

2 commentaires à propos de “#40jours #37 | Lointain horizon”

    • Oui Caroline, c’est ce que je me suis dit. Et puis il y avait le paysage de Tombelaine dans les extraits envoyés par François. J’ai fait d’une pierre un Mont Saint-Michel !