#40jours #38 | quand ce qui sépare ne se voit pas

Frontières, ce qui sépare, visible ou invisible, tangible, que l’on ressent depuis le corps d’enfant, ce qui la sépare elle de nous, ce n’est pas l’accent, ce n’est pas l’affection dont elle entoure le bébé, c’est le lien de  famille, une histoire d’être de sang ou pas, c’est ce que l’enfant croit longtemps | ce qui sépare elle d’elle de même âge étrangères l’une à l’autre réunies occasionnellement par repas de famille même statut de grand-mère c’est être à l’aise partout et avec n’importe qui gentille affable attentive mais sans attention portée à comment tenir son rang être digne se comporter fièrement sans jamais se demander ce que l’autre pense de soi | frontière géographique vivre à proximité de l’église avec à côté l’école des sœurs aller à l’école c’est forcément chez les sœurs, dans la rue qui y descend, quand pour lui ce sera vivre de l’autre côté du village dans la rue des maisons collées du côté de l’école communale | frontière quand son père à elle porte chapeau qu’il soulève à chaque fois qu’il croise quelqu’un ou que les dames, l’enfant qui l’accompagne a perdu ce détail, quand le sien mort à cinquante ans du cœur on dit, on ne dit pas du travail qu’il faisait, frontière sommeillante, rampante, insidieuse, barbelé pour le corps d’enfant à s’y égratigner souvent | frontières, ce qui sépare, invisibles entre pays un et pays deux, c’est rouler à plus des cinquante kilomètres autorisés et à peine savoir qu’on a passé la frontière, même langue, se comprendre de ce côté ou de celui-ci, se parler, échanger, ce que ça change d’être de celui plus grand, une arrogance qui transpire et c’est presqu’inconsciemment, on réfuterait cette accusation, citer les amis qu’on s’est faits, qui viennent du petit pays, insister sur le fait qu’on les trouve sympathiques, les blagues sur les habitants du petit pays qu’on raconte aussitôt, c’est pas méchant, c’est pour rire, et l’autre en face obligé de rire, rire avec celui du grand pays pour éviter de passer pour quelqu’un qui manque d’humour, des blagues vraiment idiotes, on ne le dira pas, raciste moi, sûrement pas, juste être celui né de ce côté de la frontière, dans pays plus grand, mais des deux côtés ce fut coloniser, massacrer, tenter d’élargir dès qu’on peut, prendre.  

A propos de Anne Dejardin

Projet en cours "Le nom qu'on leur a donné..." Résidences secondaires d'une station balnéaire de la Manche. Sur le blog L'impermanence des traces. https://annedejardin.com. Né ici à partir de l'atelier de François, Photographies. Et les prolongations avec un texte pour chaque nom qui dévoile un bout de leur histoire. Avec audios et vidéos, parce que des auteurs ou comédiens ont accepté de lire ces textes, l'énergie que donnent leurs voix. Merci. Sur Youtube : https://www.youtube.com/channel/UC71EVLVR9RIVzTojzdI8yfg

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