#40jours #08 | résignation

La fin est-elle écrite ? Celle de l’histoire ou de sa ville ? Celle des personnages ou de leur ville ?

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Ce n’est pas exactement un terminus. Un terminus est forcément un point de retour. Il y a forcément quelque chose après. Ici, c’était d’abord le bout du chemin du matin. Après avoir traversé la dalle, après avoir traversé la route, il s’agissait de prendre le chemin tapissé de graviers. Ensuite, car il était toujours trop tôt, trop tôt chaque matin, il fallait attendre. Il y avait là une série de bancs. Il n’y avait pas encore de piste cyclable ici, marquée au sol avec ces flèches blanches et ce vélo peints à la bombe. Il y avait déjà ce porche blanc pour dire que passé dessous comme un sas alors débutait un autre monde. Il y avait déjà les briques rouges à habiller le bâtiment sur toute sa longueur. En façade aussi avec d’un côté la borne d’accueil, le porche au milieu et à l’opposé cette large colonne de béton blanche qui abritait l’escalier extérieur pour rejoindre les salles de classe sans passer par la cour, le hall, l’intérieur. Il y avait au fil de l’attente l’arrivée des scooters et de leurs blousons à la mode et nos vieilles semelles.

Cette attente marquait toujours la fin, d’une journée ou d’une semaine d’un mois ou d’une année. Une attente familière d’espoir et de résignation. C’était sous l’arbre qui longeait le parking où pouvaient cohabiter 6 peut-être 7 voitures sur un même côté du rectangle. A ses pieds il y avait des pavés qui dessinaient une mosaïque, un arbre déjà sans terre. Plusieurs pavillons devant et derrière, des blocs, des cubes comme l’architecte de la ville avait pensé les lieux, modernes et blancs. Maison de ville en duplex. Les jardins devant bordés de planches de bois, 4, allongées le long des jardins. Elles ont vieilli. Il y avait les bacs poubelles regroupés à l’entrée du parking mais sans jamais gêner les manœuvres des résidents. Il y avait l’escalier en colimaçon de l’autre côté de la route à gauche des trois garages, l’escalier tout de béton et immédiatement la porte d’entrée seule ouverture de cette grande façade blanche. Attendre avant d’entrer, au pied de l’arbre, les yeux à fixer la porte d’entrée.

La gare a changé de visage mais pas les quais. Chaque matin partir dans la nuit aux heures où l’on suit sa respiration en légers nuages cadencés à précéder les pas. Attendre chaque matin le retard du prochain train et du suivant. Il aura fallu traverser le hall, monter l’escalier, traverser la passerelle qui surplombe les voies, descendre le grand escalier, se hâter un peu on ne sait jamais, il n’y a rien de pire que de rater un départ à l’instant même où le pied est posé sur le quai. Rails, traverses, attention au passage d’un train et les annonces parfois hachées par les haut-parleurs, il arrive ou pas ? Les mouvements des poignets, simultanés, donnent la réponse, quelques regards se croisent.

A propos de Rebecca Armstrong

J'aime la voix alors j'ai fait de la radio (associative), je produis des podcasts et mon métier c'est de faire lien avec ma voix. J'ai écrit, vraiment pour la première fois, récemment. Un manuscrit instinctif est né: des flashs d'un temps passé disons. Il s'appelle "1.2.3". Je souhaite désormais explorer l'écrire avec la profondeur que je sens ici, avec tout l'enthousiasme de la novice. (Et au fait, j'aime les tatouages, les apéros, les lecture à voix haute, mon potager minuscule, courir le matin et lire)