L#12 / Qu’est-ce que la phrase elle avait la tête d’un chat angora ou persan

Qu’est-ce qu’une phrase ? Moi, j’ai retenu celle-ci : Elle avait la tête d’un chat angora, la Jeanne, ou plutôt celle d’un gros chat persan, avec un nez bien écrasé sur les joues.

C’est une phrase inexacte et approximative. Pas dans la syntaxe ni grammaticalement. Elle est inexacte dans le fond. Parce qu’au départ, je voulais décrire la Jeanne comme un chat persan. Mais j’ai écrit angora. Comme si l’angora et le persan se ressemblaient. Rien n’est moins faux. Jeanne n’avait pas le poil long. Elle avait les cheveux courts teints en auburn. Elle ressemblait effectivement plus ou moins à un chat persan. Facile de la comparer à un chat. Elle-même aimait les chats. Elle recueillait des chats qui n’avaient pas forcément de foyer. Des chats qui venaient uriner dans son intérieur. Chez elle, ça sentait le pipi de chat. La comparer à un chat n’est pas une comparaison usurpée. Elle aimait les chats, elle adorait les chats. Elle préférait ses chats à ses enfants et à ses petits-enfants. Elle avait sa manière à elle de caresser la tête des chats, avec ses doigts boudinés et le rose qu’elle avait aux ongles de ses doigts boudinés. Des petits doigts et des petites mains potelées qui parcouraient la tête des chats qu’elle a eus nombreux. Des chats des rues, européens comme on dit maintenant. Pas de chat de race, ni d’angora ni de persan. Mais des chats recueillis parce qu’ils avaient choisi la maison qui devait les accueillir. C’était des gros matous, des gris, des roux, des tigrés. Elle les accueillait dans le confort de sa maison comme s’il s’agissait de chats de race. Ils ronronnaient quand elle les caressait sur la tête et sur leur colonne vertébrale. Elle suivait la courbe de leur dos pour les caresser, depuis la tête jusqu’à la queue. Ils adoraient ça et en redemandaient. La phrase que j’ai écrite est donc inexacte, mais pas tant que ça. Elle n’avait rien de raffiné, la Jeanne. Mais elle était coquette à sa manière, dans son genre, comme on disait autrefois. Elle n’avait rien d’un angora ni d’un persan, si ce n’est ce nez écrasé au milieu de joues rondes.

A propos de Elise Dellas

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