#photofictions #03 | Anne à Sète et moi aussi

D’accord, j’attendrai le temps qu’il faudra que tu aies trouvé une position qui te donne envie de rester là assez longtemps pour que je te dessine. D’accord, discrètement, pour éviter la gêne d’un regard qui fait face, je me mettrai de trois-quarts arrière. Il fait bon sur le balcon, tu as bien raison de décider d’y rester un peu. La chaise ne mérite pas d’être prise dans mon dessin mais heureusement qu’il y a la table pour que tu puisses poser tes mains et que moi, je puisse, dans l’espace de la petite feuille disponible à mon carnet dessiner tes mains dans une position indiscernable entre repos et prière. C’est les vacances, c’est le matin, nous avons tous deux envie que cette dernière journée de vacances nous soit bonne. C’est vrai que, de ce qui t’entoure, j’ai surtout envie de dessiner l’échappée sur la mer et encore… Je suggère un bateau par son gréement béant, la jetée et la ligne de rochers de premier plan. Je me demande encore pourquoi je n’ai pas dessiné de mouettes. Mais je sais ! J’ai réussi à dessiner tes cheveux fins et vifs et, pris par le vent de la mer, ils me font penser à des plumes. Pour le lampadaire, je ne sais pas ce qui m’a pris, j’en ai fait ton interlocuteur. Que veux-tu, il ne faut pas que tu me parles trop, non ne te retourne pas, s’il te plaît. Fais-moi confiance, avec son angle, il fera beau contraste à l’arrondi délicat de ta joue. Je crois que je l’ai bien réussi, il me tarde que tu te voies, ni trop poupine, ni trop creusée. Et puis, attends, je me décale un tout petit peu pour dessiner ton épaule et tant pis s’il me faut retoucher la liaison avec ton bras mais ainsi, ça se partage bien entre la mer et toi. Tiens, du coup j’aperçois la voiture en bas et ça me donne envie de la dessiner, elle est au bout de tes mains. Toi, tu ne la vois pas, c’est normal, tes mains te la cachent. Tu ne vois que l’échappée vers la mer. Alors, je ferme les yeux pour être ton égal. Juste l’échappée vers le vent de la mer pour un dernier jour. Je tiens le titre de mon dessin : deux à Sète.

2 commentaires à propos de “#photofictions #03 | Anne à Sète et moi aussi”

  1. Grande douceur dans ce monologue qui pourrait se poursuivre, enfin pour mon plaisir à vous lire. Peut-être est-ce ce rythme lent qui induit l’idée d’un extrait…