autobiographies #04 | au 3-4 rue de Marne à Maisons-Alfort (94)

SOUVENT CE SONT LES ORGASMES qui nous réveillent la nuit. De très grands orgasmes. Avec Rosette c’est comme ça.
On est fatigués de la journée et les cris des orgasmes très grands de Rosette la nuit nous réveillent tard dans la nuit. Parfois très tard.
C’est pas comme ça toutes les nuits. Non. Mais quand il vient l’orgasme très grand alors là oui elle crie très fort Rosette dans la nuit.
Le lendemain on va au Super U et on les croise tous les deux. Rosette et le type de la nuit. Le caddie plein à ras-bord et le type de la nuit qui passe à la caisse du Super U avec sa carte bleue.
Un type avec un gros bide et une moustache. Ou alors un gros bide et pas de moustache. Ça dépend.
Avec Rosette c’est comme ça la vie. Un orgasme très grand la nuit avec des cris très forts et le lendemain au Super U un caddie bien plein.
On passe de sales nuits avec Rosette juste au-dessus de chez nous.
On se réveille aussi quand il n’y a pas les orgasmes très grands et les types avec un gros bide pour pousser le caddie au Super U.
Ces nuits-là on entend l’aspirateur au dessus de chez nous. À minuit ou bien à n’importe quelle heure. On entend l’aspirateur on entend la brosse qui cogne contre les meubles ou les pieds de la table.
Si on tape un petit coup au plafond pour lui demander de faire plus doucement alors la brosse cogne plus fort contre les meubles ou les pieds de la table. C’est comme ça.
On peut dire qu’on passe vraiment de sales nuits au 3-4 rue de marne. À cause des orgasmes très grands et de l’aspirateur aussi. Avec Rosette juste au-dessus de chez nous.

C’EST LA PORTE JUSTE EN FACE DE L’ASCENSEUR au 13ème étage du 3-4 rue de marne à maisons-alfort (val de marne). On rentre du boulot et on passe devant la porte des voisins en traversant le palier.
Quand on sort de l’ascenseur pour traverser le palier leur berger allemand se jette de toutes ses forces sur la porte d’entrée du petit 2 pièces où il est enfermé toute la journée.
On le sait. On a l’habitude c’est comme ça tout le temps.
Les pattes en avant.
Les griffes qui crissent sur le bois.
En aboyant comme un dingue.
On le sait. On s’y attend.
Toujours on bondit en arrière quand il se jette de toutes ses forces sur la porte d’entrée. L’adrénaline monte on bondit en arrière et ça énerve.
On sait que le chien des voisins se jette sur la porte du petit 2 pièces quand on ouvre la porte de l’ascenseur et qu’on traverse le palier pour rentrer à la maison. Il fait toujours ça.
Les pattes en avant.
Les griffes qui crissent sur le bois.
En aboyant comme un dingue.
On s’est fait avoir encore une fois il nous a foutu la trouille. Pourtant on a l’habitude.
Une petite inattention en sortant de l’ascenseur on dirait que le chien n’attend que ça. Il suffit de penser un instant au foot qui va commencer dans 10 minutes à la télé ou de se rappeler le coup de téléphone à passer sans faute en rentrant.
On se fait avoir c’est couru d’avance on oublie le chien. Ça énerve et on se met à gueuler sur le chien.
Il faudrait aller voir les voisins pour leur parler. Mais ils sont gentils on n’ose pas trop.
Ils doivent se dire que le chien est enfermé derrière la grosse porte du petit 2 pièces et qu’il n’y a aucun danger.
On continue à sursauter en rentrant à la maison. C’est comme ça.
Putain de clébard.

DANS L’IMMEUBLE juste à côté du notre au 3-4 rue de marne à maisons-alfort (val de marne) il y a un type qui dort en rentrant du boulot.
Le samedi après-midi et le dimanche aussi il dort.
Il a un boulot dur il a envie de dormir quand il rentre à la maison.
En fin d’après-midi les jeunes commencent à tourner avec leurs petites motos.
Ils commencent à tourner pendant des heures dans la cour de la cité.
Et le type qui a un boulot dur et qui s’endort en rentrant chez lui ouvre sa fenêtre et commence à gueuler.
Et les autres en bas se foutent de lui.
Et le type qui dort en rentrant du boulot gueule encore plus fort.
Et les autres en bas se foutent de lui encore plus fort
Parfois on regarde depuis chez nous et on se dit que ce coup-ci le type va sortir son fusil.
On se dit que le type qui dort en rentrant du boulot va sortir son fusil et va tirer dans le tas.
Et qu’il va dézinguer les jeunes qui tournent pendant des heures avec leurs petites motos dans la cour de la cité et qui se foutent de lui quand il gueule par la fenêtre.
Mais pour le moment ça va.
Le type qui dort en rentrant du boulot n’a pas sorti son fusil.
Il n’a pas tiré dans le tas.
Il n’a pas dézingué les jeunes qui tournent pendant des heures avec leurs petites motos dans la cour de la cité.
Pour le moment ça va.
Ça se passe pas trop mal.

ON SE GARE DANS LE PARKING du 3-4 rue de marne à maisons-alfort (val de marne).
Il fait déjà nuit quand on arrive.
Au moment où on coupe le moteur de la talbot samba un énorme doberman glisse sa tête par la fenêtre ouverte du passager.
Quelqu’un gueule dans la bagnole et le chien s’éloigne un peu.
On essaie de se barrer en douce du parking puis de rejoindre la porte d’entrée et de sauter discrètement dans l’ascenseur mais juste au moment où les portes se referment le clébard en profite pour se faufiler à l’intérieur.
C’est la merde.
On monte les 13 étages en bougeant le moins possible et quand on arrive là-haut on dégage vite de l’ascenseur et on le renvoie au rez-de-chaussée avec le gros doberman à l’intérieur.
On rentre à la maison tout va bien.
Quelques semaines plus tard le doberman est toujours là sur le parking du 3-4 rue de marne. On n’a plus peur de lui.
Tout le monde s’est habitué à le voir traîner par ici. On se sent à l’aise quand il vient nous rejoindre dans l’ascenseur.
On commence peut-être à l’aimer. Qui sait ?
Mais un jour il finit par disparaitre on ne sait pas d’où il est venu ni à qui il appartient.
On a d’autres trucs à s’occuper.

A propos de Kévin Denirot

homme des pyrénées vagabond et parcoureur des recoins du monde. aimant faulkner&brautigan&carver&d'autres écriveurs américains. aimant tarjei vasaas&jon fosse&d'autres écriveurs venus du froid. aimant duras&koltès&d'autres manieurs de mots. aimant aussi la prose poétique (ça existe ce terme?) et le théâtre contemporain&les bons brasseurs de langue&raconteurs d'histoires d'où qu'ils viennent. écrit parfois mais sa paresse est grande. hélàs.

4 commentaires à propos de “autobiographies #04 | au 3-4 rue de Marne à Maisons-Alfort (94)”

  1. C’est pas trop sécure au 3-4 rue de Marne à Maisons-Alfort ! Mais j’ai bien ri, c’est succulent toutes ces histoires… l’ascenseur n’est pas en panne. Déjà ça.

    • Heureusement je n’y suis plus depuis longtemps 🙂
      Par contre, il y a de l’intuition car j’avais prévu un autre texte lié à une panne d’ascenseur !!!
      Merci pour ton retour Louise…