autobiographie #01 | images intérieures

Le train est déjà parti vers une autre gare et je ne me souviens déjà plus de mon arrivée dans le vent frais du matin. Sur le parvis, le silence. Il est six heures du matin, tu me tiens la main. Nous ne nous sommes jamais rendus jusqu’ici en train, tous les deux. Je demande dans combien de temps on arrive. Les rues endormies sont immenses. Je passe d’une main à l’autre, gauche, droite, droite, gauche, impatiente. Un manteau trois quart rouge sans doute. Celui des photos de l’album.

Le ciel est clair, le trajet ennuyeux. Aucune borne à sauter, jeux à escalader, banc où s’asseoir. S’arrêter sur le bord du trottoir, faire halte pour boire à la fontaine en pierre. L’ourlet des socquettes blanches s’enroule vers la cheville. Regard boudeur. Avais-je froid ? C’était le début de l’été. Le début des grandes vacances. Il n’y a aucun bruit, ni voiture, ni passant, aucun échange entre nous. Le souvenir a effacé les paroles, reste les rues grises nimbées de la pâleur du matin et nos deux silhouettes. Moi, devant toi.

Je cours. Je suis fatiguée et je cours. Atteindre le coin de la rue, revenir, repartir, attendre pour ne pas le perdre. Ne reconnaître ni les façades ni le nom des rues, pourtant… la clochette suspendue au portail bleu, comme un repère de mi-chemin…. Les limites du jardin étaient mes frontières. Jamais au-delà. Des parterres de fleurs au verger, du poirier au ruisseau, franchir le pont, se cacher derrière les troncs. Aucune envie d’explorer hors des murs. Était-ce interdit ?

La façade, enfin, reconnaissable au grand portail en bois à deux battants. La peinture est écaillée d’avoir tant vécu. Attendre le temps que je m’impatiente. Frapper quelques coups de heurtoir, déguster une figue cueillie aux branches échappées du jardin. Puis ne plus attendre. De nos doigts poisseux, pousser les larges panneaux de bois dévoilant l’escalier du jardin. Clac, clac, clac ! Les pas dévalent les marches de pierre jusqu’aux amarantes et reines marguerites chamarrées. Lancer des gravillons contre les volets encore fermés du premier étage. S’asseoir au creux du banc de pierre et attendre le réveil des oiseaux.

A propos de Fabienne Savarit

J'ai toujours eu envie d'écrire des histoires. Le temps me manque, alors j'écris par petits souffles, en atelier, dans des carnets, sur un coin de table. Mon premier roman a été publié en juillet 2020, j'en suis encore ébahie. Mes mots sont voyageurs et se perdent au creux des courants marins. https://www.facebook.com/Fabienne-Savarit-Autrice-105753008006663