autobiographies #07 | de porte en porte

Dans la cour de notre petit HLM, les bandes de gosses allaient et venaient. La vieille dame du rez-de-chaussée avec ses cages à serins laissait toujours sa porte ouverte. La porte grise était maculée de graines séchées et de mie de pain laiteuse. C’était l’attraction des gosses, la porte de la vieille. Un jour, elle a fini par la refermer.

Hall de l’immeuble, grand couloir accessible par deux entrées vitrées, nous habitions côté pair, la porte 320. Interdit par le règlement de mettre son nom sur la porte, juste un numéro. Recouverte d’un revêtement couleur noyer censé faire chic, la porte était blindée. Blindée disait fièrement mon père, comme si elle allait contribuer à l’avenir à ce que l’on ne vienne plus nous demander des comptes.

Cinéma de quartier, nous traversions le hall avec nonchalance et le bruit de la porte-ventouse se refermait. Recommencer pour bien nous imprégner du bruit. À la fin du film, nous empruntions une porte à l’arrière de la salle, encombrée par les poubelles et les cartons du restaurant voisin.

Au dessus de la porte rouge en bois massif rouge carmin, épaisse et douce au toucher, laquée, un lampion accroché au mur qui attirait l’œil. On poussait la porte, à toute heure, le restaurant exotique de la rue Duquesne servait des spécialités vietnamiennes.

Premier rendez-vous amoureux à l’abri de la porte cochère de l’immeuble.
Premier baiser derrière la porte cochère.
Rupture derrière la porte cochère.
Aujourd’hui, souvenir d’une porte décochée.

Dans la maison de campagne de l’oncle Jules.
A l’intérieur de l’étroit placard à balais, l’oncle avait imaginé un système de rangement perfectionné des clés de la maison, suspendues par petites grappes, soigneusement étiquetées. Cliquetis des clés contre le le battant de la porte du placard.
Inutile la clé étiquetée Salon. Pour l’ouvrir une secousse sonore qui ébranlait le plancher suffisait. C’était la porte magique.
La porte de la pendule, vitrée en partie haute. Une première clé pour l’ouvrir, inutile, serrure manquante, la deuxième pour faire tourner les aiguilles. Ouvrir cette porte et faire tourner les aiguilles à l’envers. C’était la porte du temps qu’on remontait à l’infini. La pièce se mettait à crépiter.
A mi-étage, une série de marches palières qui mène à une porte à deux battants. A quoi servait cette porte toujours fermée? La clé de cette porte était manquante. À force de questionner l’oncle, nous eûmes en retour sa réponse laconique, « on n’y touche pas, c’est sentimental ! » C’était la porte mystérieuse. Mon cousin l’avait dessinée, sur son croquis on voit le départ de l’escalier et la mystérieuse double porte en pitchpin sur le palier bricolé.

A propos de Monique Renaudeau

Entre lecture et écriture, amoureuse de la mer et des mots, ceux qui surgissent ou qui reviennent, ceux qui s’enchaînent et qui deviennent phrases, des marées de mots.