autobiographies #02 | galeries d’effacés

Crédit photo: Francesca Woodman, From Space, 1976 © Betty and George Woodman NB: No toning, cropping, enlarging, or overprinting with text allowed.

Léonce lave les corps, les sols, respire les âmes. Elle lange change manipule. On dit qu’elle est travailleuse efficace. Ses mains habiles savent taire l’inquiétude des corps en décrépitude. Employeur, client, patient. Elle possède la voix qui calme.
Active. Elle marche, épaules voûtées. Silhouette grise s’estompe dans le petit matin. Accourt aux besoins. Léonce qu’ils usent usent usent.
Sa bonté s’efface. Trop. D’injonctions, poids, responsabilité. L’autour pas assez grand
pour émerger. Elle disparaît, doucement.

La nuit, il cherche. Il sort et cherche. Met son manteau de cuir noir. Il sent l’eau de Cologne. Ses lieux de prédilection : des centres de vacances et de loisirs avec hébergement. Sans parents. Les animateurs sont plus inconséquents.
Le soir, ils s’amusent. Lui, cherche. Profite de leurs rires lointains, couchés. Il cherche et trouve. Il est équipé. Une lampe torche. Un pantalon desserré. Silencieux. Il parcourt les petites filles. Il déshabille leur sommeil. Laisse un goût de terre. En bouche.
Ils effacent les petites filles et repart.

Ouvrier, il aimait son métier. Amputé, il vit à la marge. En effacement. Dans son camion. Sans chauffage l’hiver il quête l’hébergement. Chez des voisins, chez des copains. Des doigts manquants. Des douleurs nommés fantômes. Comme si rien, comme si elles n’existaient pas. Le patron n’avait pas payé l’assurance. En salle d’attente il a attendu attendu attendu. Jusqu’au point de rupture et à l’impossibilité de raccommoder. Un camion, un chien, seuls à attendre. 

Elle n’existe qu’ici. Derrière son comptoir. Elle vend, presse et cigarette. Petite, menue, sourire accueillant. Aucun son superflu. Souffle en suspension. Disponible. On peut la croiser chaque jour sans l’entendre.  Et si la discrétion provoquait l’invisibilité ?

Tik tok, c’est l’application dans laquelle elle plonge, jour/nuit. Elle compare. Elle admire. Ce qu’elle n’a pas. Elle se perd et s’opère en changement
travestissement. Qu’on ne reconnaisse pas sa peau. Surtout pas. Ses cheveux changent de couleur avec l’incertitude des pas. Désarroi de ne pas savoir de quel ventre
s’extraire. Elle se rêve amoureuse, cajolée. Chrysalide. Recommencement.
Elle se vit branchée. Elle sourit faussement.
Ils ont des attentes. Elle répond. Sans joie.
Faire mine que son corps n’est rien. Objet encombrant. Posé là.
Ils ont pris, maintenant elle donne. Les mains touchent et souillent.
Elle se vit autre et tente d’effacer.

J Hendrycks

9 commentaires à propos de “autobiographies #02 | galeries d’effacés”

    • Bonsoir Brigitte. Je suis désolée mais je n’ai vraiment pas compris le commentaire. Pouvez vous m’expliquer?

  1. J’aime beaucoup « L’autour pas assez grand pour émerger » pour dire l’effacement.
    Et aussi tout ce que « Ouvrier, il aimait son métier. Amputé, il vit à la marge. » dit du personnage dans une grande économie de mots.

    • Merci. Je ne sais pas faire plus étoffé avec satisfaction. En ce moment lorsque je lis j’imagine ce que je retirerais de mots… Peut etre trop d’économies 🙂 Je suis envahie.

    • Merci.
      Les retours à la lignes viennent du passage en bouche des textes. Je les lis systématiquement à voix haute et lorsque une longue pause s’impose, je passe à la ligne. J’ai conscience qu’en lecture « sans voix », c’est étrange voir inaproprié. Je ne sais pas comment perdre la lecture que j’en fais a voix haute sans ce changement, la simple virgule me chagrine. Ceci etant dit peut etre que je me trompe… Il faudrait que je vous les lise pour que vous me disiez si c’est toujours étrange! 🙂 Merci en tout cas de ce retours qui m’aident à pousser ma reflexion sur comment/pourquoi!