autobiographies #14 | disparaîtront

© Lisa Diez, train Narbonne-Marseille, 2021

les deux têtes parlantes entre deux cuisses — que disent-elles?

les quatre yeux s’écarquillent alors qu’une main invisible fait pivoter le corps volcan

l’apparition d’un deuxième corps en boule comme lapin tombé du chapeau

le vieil homme soudain cesse d’exister osseux dans un lit d’hôpital

l’autre mort dont le corps exposé sent peut-être la vanille la meringue ou les sucres pâles qu’un célèbre chef aurait enrobé de papier de soie

l’oncle ne respire plus dans le lit d’un autre hôpital où dit-on il a disparu

le chapeau avale le lapin

les peaux qui suintent en chouinant dans la télé entre deux portes mal fermées

le passant qui a reçu un crachat lève la tête cherche la bouche pouffante au quatrième

l’ombre d’un aigle qui rafraîchit sur une pente ocre du Mexique

les visages d’acteurs beiges scotchés sur la couverture du cahier de textes

les caricatures des profs sur un coin déchiré de feuille de classeur

les corps fins d’amour cheveux bruns châtains nez bouches regards gommés

l’ongle du pouce cabossé rongé du dedans

l’épicier d’un coup de hache coupe le bras du père tout près de la caisse — ad libitum

la patate qui pend dans Les Glaneurs et la Glaneuse

la clef du père hésite à peine avant de pénétrer la serrure — le regard de la mère

les envols nocturnes au dessus des capitales entre chien et loup

les séquences inutiles dans les films de Jacques Demy — l’oeuf qui n’est pas dur dans Les Demoiselles de Rochefort

le mistral balaye la montagne de pétales sur la scène du Palais des Papes

les listes de choses à faire raturées barrées sauf celles qu’on recopie à chaque fois

l’intime ressassé lignes après lignes dans les boites sous le lit

les cavaliers galopant dans l’aube montagneuse entre Iran et Turquie

les trois baisers rapprochés de la tendre tante suivis des mêmes au même rythme de sa soeur et des mêmes au même rythme de la fille de sa soeur et des mêmes au même rythme de la fille de la fille de sa soeur qui n’aura pas de fille

la toile haute comme un corps rouge et jaune et orange de Rothko à Beaubourg 

les étourneaux dans les ciels blancs vers huit heures ces jours-ci dessinent des formes vives au dessus de la gare Saint-Charles et gronde la cafetière

A propos de Lisa DIEZ

Chercheuse polyvalente, sorte d'artiste tout-terrain. Valises posées depuis 5 ans dans les arts de la scène. Passages par la peinture, la réalisation documentaire, la photo, la médiation artistique… et l’écriture, soutien fidèle de ces nombreuses traversées. Deux sites : www.soinartistique.fr (Collectif ALS) et www.atelierdiez.com (vrac et chantiers).