ça foule dingue

ça rue piétonne la foule ça s’allume ça fonce ça va devant ça part derrière ça se rejoint ça file ça vit ça respire ça ondule ça tortille ça avance ça glisse ça bifurque ça frotte ça bouscule ça prend pas ça effleure ça ralentit ça double ça coule ça compte ça goutte ça s’élargit ça rétrécit ça avance ça stoppe net ça arrête ça quoi ça roule ça marche ça court ça parle ça émeut ça questionne ça demande du feu ça demande une pièce ça interloque ça apostrophe ça crie ça couve ça bout ça érupte ça vomit ça se répand ça s’écoule ça s’égoutte ça fonce ça embarrasse ça remplit ça bruit ça se meut ça accélère ça continue ça danse ça serpente ça bulle ça protège ça isole ça n’écoute pas ça sent ça laisse derrière ça oublie ça part devant ça y va droit ça freine ça racle le sol ça tape fort ça frappe ça électrise ça se tient la main ça évapore ça pousse un fauteuil une poussette ça tire un chariot un panier à roulettes ça porte le journal un sac à provisions une baguette de pain ça téléphone ça s’égosille ça éternue ça appelle ça rappelle ça interpelle ça dit bonjour ça dit au revoir ça dit salut ça dit ça va ça n’arrête pas ça surprend ça se fond dans la masse ça met un pied devant l’autre ça met du temps ça prend de la place ça longe les murs ça occupe le trottoir du bord ça encombre la chaussée ça bat le pavé ça écarquille les yeux ça fraternise ça chante ça accolade ça rue piétonne ça recule ça tourne ça étourdie ça louvoie ça tournoie ça va pas droit ça vaut la peine ça interroge ça repose ça borde le froid ça chauffe le cœur ça enserre ça enferme ça lisière ça souffle dans le nez ça s’envole ça ballon dans le vent ça rugit ça grogne ça fume par les naseaux ça nourrit ça désaltère ça abreuve ça claque ça fatigue les genoux ça ralentit le pied ça tord les chevilles ça tient droit ça avance ça tousse ça mouche ça renâcle ça laisse passer ça traîne ça entraîne ça rue ça remue ça berce ça longue file ça coiffe ça décoiffe ça ébouriffe ça porte un chapeau ça chausse large ça change de couleurs ça parle étranger ça est autrement ça brille ça ternit ça lave les brumes ça sèche la pluie ça abrite du vent ça fait mal ça pédale ça patine ça double à droite ça se redresse ça tombe ça écrase ça libère aussi ça ne voit rien ça rend sourd ça pleure ça rit ça bavarde ça baratine ça hèle ça cause ça lambine ça n’avance plus ça foule au pied ça va ça vient ça fuit ça crisse ça bouchonne ça va bien ça agite la main ça fait signe ça s’éloigne ça disparait ça s’éteint

A propos de Cécile Marmonnier

Elle s’appelle Sotta, Cécile Sotta. Elle a surtout vécu à Lyon. Elle a été ou aurait voulu être marchande de bonbons, pompier, dame-pipi, archéologue, cantinière, professeure de lettres certifiée. Maintenant elle est mouette et fermière. En vrai elle n’est pas ici elle est là-bas. Elle s’entoure de beaucoup de livres et les transporte avec elle dans un sac. Parfois dans un carton quand il ne pleut pas. Elle n’a pas assez d’oreilles pour les langues étrangères ni de mémoire sur son disque dur. Alors elle écrit. Sur des cahiers sur des carnets sur des bouts de papier en nombre. Et elle anime des ateliers d’écriture pour ne pas oublier de vivre ni d'écrire.

9 commentaires à propos de “ça foule dingue”

  1. Quelle belle idée ce texte qui à le lire vous fait ce que fait une foule à un au milieu, j’adore ! Ça borde le froid ça lisière […] Ça sèche la pluie. Et tout le travail sur la proximité physique. Superbe. Merci beaucoup.

    • Ou comment plein d’individus font un qui se déplace. Merci pour votre lecture !

  2. Bravo pour ce texte! J’aime bien ce choix du ça, et la façon dont ça fait avancer… Je me suis dit en arrivant à la fin de la lecture que peut-être ça pouvait être intéressant en terme de rythme que parfois la foule prenne une acceleration, puis decceleration etc, et que le « ça » soit parfois suivie de plusieurs actions, déplacements, verbes…. à voir… Merci pour ce partage!

    • Je suis d’accord avec vous Céline un verbe ne dit pas suffisamment l’accélération ou le ralentissement de la foule. Il faudrait trouver autre chose, probablement dans l’accumulation ou l’étirement. Je vais voir si quelque chose vient dans ce sens. Merci à vous

  3. Waouh !
    Déjà, le rythme !
    Et puis cet œil qui a su observer pour écrire cette foule dans sa largeur.
    Et chacun peut s’y retrouver. Se moucher, la baguette, causer… On est dans une forme de familiarité qui fait du bien, et ce que ça fait remonter de nos souvenirs.
    Merci.

    • « Cette foule dans sa largeur » c’est ce que j’ai aussi voulu mettre dans mon texte, merci de l’avoir vu. Il y a quelque chose de frontal dans la rencontre avec cette foule. Tout le monde n’avance pas dans le même sens dans une rue piétonne.

  4. J’avais à peine fini mes foules, je tombe sur votre texte, coup de poing, de parpaing même, j’aurais aimé y penser, oser…ça roule ça vague ça vogue ça tangue c’est la musique d’Edith Piaf, à chanter, à lire à voix haute, je n’y résiste pas, j’aime….Merci!

  5. Magnifique cet emportement de la foule, ça vous emporte!
    Et ça borde le froid… ça sèche la pluie, une foule météorologique mais pas que. Un texte mouvement- un texte rythme. Bravo, Cecile!