couchée de bonheur (sauf 4)

la forme de la soupente restait derrière les paupières fermées, le soir étant tombé suivant la même pente que le toit,  il suffisait de s’y loger pour cueillir le sommeil

l’odeur de la chambre, composée de laurier et d’antimite et peut-être de lavande, semblait provenir du placard plutôt que du dehors, elle avait la même épaisseur fraîche que les draps

dans le noir, le ronronnement constant et régulier du poêle à gaz laissé en veilleuse redit l’attention de celle qui l’avait vérifié avant d’éteindre la lumière ; on veillait sur nous.

les cris des poissonniers, le bruit froid de glace brisé, celui métallique des tréteaux donnent l’heure : 5h du matin et une indication de jour : mardi, vendredi ou dimanche

avant d’ouvrir les yeux, savoir, à la sueur dans la nuque, l’intensité de la lumière, la disposition exacte de ses rais parallèles projetés au plafond à travers les interstices des volets fermés 

des cris incompréhensibles s’infiltraient dans le rêve avant que l’arrêt des cahots vienne mettre fin au sommeil.  Déjà la frontière ?

remonter le sac en drap très haut pour que la couverture grise qui pique ne vienne pas toucher la peau, le rapprocher du nez pour oublier l’odeur grise et moisie de la couverture

sur fond blanc les motifs bleus en forme de losange du papier peint continuent à radoter dans le noir – comportaient-ils des personnages, des bergers d’Arcadie ou bien des fleurs ?

les fleurs rouges, bleues et vertes sur fond jaune du rideau en face du lit continuaient à porter une menace depuis un soir de fièvre où elles s’étaient mises à bouger, surtout les rouges.

la fenêtre qui donnait sur la cour étant dans mon dos, elle recelait un danger : si le feu prenait, comment atteindre la rue ? La honte par avance d’y être en pyjama.

A propos de Agathe Derosa

Agathe Derosa, un pseudonyme évidemment. (Merci pour l'article "Pseudonyme"du dictionnaire) Evidemment, mais il est fait d'éléments "vrais", patronyme de la grand-mère napolitaine (en vrai "De Rosa") et prénom dont l'appelait cette grand-mère en italien. Cette langue ne m'a pas été transmise. Pseudonyme, parce que pour raison administrative entre autres, j'ai décidé que sur le net "Pour vivre heureux, vivons cachés." Sous un autre nom, j'ai publié en papier, livres et articles (fiction et philosophie.) J'ai étudié la philosophie et l'ai enseignée avant de changer de métier. J'ai travaillé aux Editions des Femmes (mais pas à la grande époque.) Je ne travaille pas pour le moment. C'est un atelier d'écriture qui m'a permis de m'autoriser à écrire de la fiction (Aleph, en 1992, je crois). Depuis 2007, je co-anime des ateliers d'écriture dans l'Est Parisien. Important pour moi : chanter avec d'autres, la politique, écrire avec d'autres Le pseudonyme, peut-être aussi une naissance dans l'écriture ? Exister sur le net sous ce nom ? Je ne sais pas. J'ai parfois un amour immodéré pour la ponctuation, capable de passer des heures à reprendre la ponctuation d'un texte. Par maniaquerie, mais aussi à cause de la musique (voir Drillon, Traité de la ponctuation). Souvent je rêve d'écrire comme on chante, ie sans laisser de trace, pendant le confinement de mars 2020, j'ai cru y arriver. M'intéressent également ou m'ont intéressée : la typographie, la psychanalyse.

2 commentaires à propos de “couchée de bonheur (sauf 4)”

  1. Bonjour Agathe,
    dans chacune de vos chambres ou presque je lis un petit renversement, un petit décalage qui y imprime votre voix,
    bonne suite,
    Catherine Serre

  2. Beaucoup de détails qui permettent de bien visualiser les lieux, de les ressentir, d’abord paisiblement puis jusqu’à l’angoisse. Merci Agathe