#40jours #04 | crasse et pieds vernis

Pieds vernis sur sol sale. Ville crasse. Et pourtant, se déchausser, en pensée, imaginer sentir la texture, là, sous la semelle, sous le talon, protections contre cette merde qu’on ne veut jamais voir. Trottoir meurtri, sentiment de pitié pour ce bout de monde que tout le monde néglige, rouge de honte. Empathie de voirie. Se reprendre : Signalisation _  _ _ aller ou ne pas aller ? Suivre les flèches ? Tâches de pisses, nombreuses. De celui qui a trop bu, de celui qui dort dehors et pour qui ce piquet représente la chaleur de toilettes bien proprets. Il a dû imaginer, en se vidant la vessie, pour ne pas penser que tout le monde, là contre ce piquet, le voyait uriner. Ou alors un chien, mais rien de sûr. Je préfère imaginer une pisse humaine. France télécom. France télécom n’existe plus. Plaque-mémorial, plaque à mégots. Sol sale, pieds cirés, rangés, qui pourtant sortiraient bien de la convenance pour sentir là, sous la voûte plantaire hydratée et gommée, ce bitume à relief, plus récent que celui du sol d’en face. Rivalité de sol ? Avancer, se glisser derrière la porte cochère pour apercevoir ce sol misérable qui, penaud, se cache.  Trouvé! Comme les enfants qui jouent à cache-cache. Le sol n’est jamais convié. On ne pense qu’au murs. Trop souvent. Surtout quand on joue. Mais que seraient-ils sans lui, les murs? Sans cet atlas qui supporte la misère des pas perdus dans la ville crasse. Crassiers fermés. Le sol les transpire encore, on dit de la ville, de cette ville-là, qu’elle est triste, sombre, en perte de vitesse, mais elle est solide la vieille. Y a qu’à regarder ! Le long de l’avenue principale, le sol se retient, bien serré en petits rectangles, il faut paraître, faire cet effort sur les axes passants. Derrière la Grand’rue, c’est coulisses, c’est relâche… Devant, c’est parade : petits rectangles, grands rectangles, cité géométrique, cité du desing, approchez m’ssieurs dames ! Pourtant, les lignes parallèles de la voie de tram sont mangées par la misère, ça craquèle tout autour, et l’on ne fait rien, on monte dans le wagon sans se soucier du goudron qui entoure la ferraille. Sols patchworks, sols criards, perle de couleur dans la ville terre-noire, Allez les Verts, et le bonheur qui s’efface sur le paillasson, comme s’effacent la perfection des sols et celle du vernis du bout des ongles…

A propos de Marie-Caroline Gallot

Navigue entre lettres et philosophie, lecture et écriture.

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