dialogue #02 | Massalanmo

Et puis soudain, oui, ça y est. Un grondement. On les entend. Massalanmo me souffle à l’oreille :

(ils arrivent)

Je les sens. L’air s’électrise. Ça arrive oui, démange les corps. Autour de moi, on s’agite. Massalanmo sourit. Certains remontent déjà la rue téléphone en main. En écho à Massalanmo : oui, oui, ils arrivent. Je t’attends. Dépêche-toi. Au niveau de la cathédrale. Massalanmo sourit. L’agitation. Ca le fait sourire. Moi ça m’agace son sourire.  

(le divertissement peut commencer. et toi là-dedans ?)

(tu m’agaces Massalanmo)

On s’attroupe, on court, on guette, on s’appelle, s’interpelle, sourit.  

(ils arrivent. de toute évidence ils arrivent)

Je ne réponds pas. Toute entière tendue vers ce qui advient. Bientôt les fouets claquent dispersent les quelques groupes égarés au milieu de la chaussée qui refluent sans tarder sur les trottoirs et sur le parvis.

(les fouets claquent. place ! place ! tiens elle est où d’ailleurs ta place là-dedans ?)

(Massanlamo tu ne me priveras pas de ce moment)

Les fouets sifflent, s’abattent tandis qu’au loin le grondement continue de grossir. A côté de moi, une petite fille bouche ses oreilles et se cache derrière sa mère tout en glissant un œil inquiet mais curieux. Sur le parvis de la cathédrale, une bande de petits gars suspendent leurs jeux pour regarder.

(un jour eux aussi)

(tais-toi ils arrivent Massanlamo)

Je ne l’écoute plus. Toute entière tendue. Et puis le grondement explose. Saisit les tripes. Plus rien n’existe que l’explosion de corps et de cris. Je ferme les yeux juste un instant. L’encens m’enivre.  Tambours, cris, chants déchirent l’air font vibrer la ville qui tremble fébrile les corps s’animent les sourires fendent les visages ça déboule à flots de corps de cris de pas scandés déterminés confiants sûrs d’eux et de leurs droits. D’être là, d’exister. En aspirant tout sur leur passage. Et puis le groupe s’arrête devant la cathédrale. Plus rien n’existe.

(déboulé de peaux animales)

(oui, Massalanmo, organes, viscères, tripes enrythmées jusqu’au vif de la moelle et de l’os)

Tambours, chachas, conques à lambi, chants emplissent l’air gonflent la rue enflent la ville au nez et à la barbe de Saint-Pierre et de Saint-Paul. Plus rien n’existe que cet ici et maintenant pleinement vivant, n’en déplaise à Massalanmo.

(ma place Massalanmo ? dans le vivant des corps)

Et puis ça repart. D’emblée dans le vif du rythme scandé des pas qui battent le bitume. Une main me saisit me happe m’entraine dans la danse, Massalanmo m’emboite le pas je le sens derrière moi dans la foule je m’engouffre

(elle est là ma place Massalanmo dans les viscères du vivant)

A propos de Émilie Marot

J'enseigne le français en lycée où j'essaie envers et contre tout de trouver du sens à mon métier. Heureusement, la littérature est là, indéfectible et plus que jamais nécessaire. Depuis trois ans, j'anime des ateliers d'écriture le mercredi après-midi avec une petite dizaine d'élèves volontaires de la seconde à la terminale. Une bulle d'oxygène !