Docteur C.

J’ai rendez-vous avec le docteur C. Il a plus d’une heure de retard quand vient mon tour. Il me tend la main droite – que je saisis – de la gauche il referme la porte de la salle d’attente. Il me précède dans le couloir. Il n’est pas grand, à peine plus que ma taille. Il est jeune, une trentaine aux cheveux grisonnants et clairsemés. Il me sourit en entrant dans le cabinet. Sa présence est discrète. Il doit avoir le geste doux quand il pose sa main dans le dos de sa femme. Elle est un peu plus grande que lui car il a une façon de regarder par en dessous. Elle travaille dans le social. C’est elle qui va chercher leur fils à la garderie même s’il lui avait promis en venant ici de réduire ses horaires. Il me regarde, légèrement penché sur son bureau en appui sur ses avant-bras, les mains jointes. Il porte son alliance. Je viens le voir pour une tendinite au coude et pour une boule dans le sein droit. Il se lève et m’accompagne vers la table d’examen. Je montre mon pull. Il acquiesce d’un hochement de tête. Je regarde ses chaussures. Anodines. Ses membres inferieurs sont étonnement musclés par rapport au reste de son corps. C’est disgracieux. Il doit pratiquer un sport où les jambes sont sollicitées. Du tennis depuis qu’il est en Bretagne, du squash parfois. De la course à pied tous les jours, avant de partir pour l’école. Il aimerait s’initier à un sport d’eau maintenant qu’ils vivent au bord de la mer. Il prend mon bras et le manipule. Ses mains sont chaudes. Les manches de son polo sont remontées. Il a les poils longs et noirs. Il m’interroge avec retenue, me préconise de la kinésithérapie et des anti-inflammatoires locaux. Il semble attendre une validation de ma part. Sa femme n’a pas dû être enchantée de quitter la région parisienne. Elle avait entamé une liaison avec un ami de son mari. Les deux couples se fréquentaient souvent depuis que les deux femmes étaient enceintes. Après sa grossesse, le bébé accaparant et son mari au cabinet, elle avait déprimé. Une lassitude de Paris, la concurrence et la compétition qui y régnaient, un vague pressentiment aussi, avait poussé le docteur à accepter ce poste qui se libérait en province et il avait convaincu sa femme en promettant d’alléger ses horaires. Preuve de sa bonne volonté, le cabinet est fermé le mercredi pour qu’il s’occupe de Louis (le prénom du grand-père de sa femme). Je soulève mon tee-shirt avec pudeur, ne découvrant qu’un sein. Après avoir mis des gants il me palpe. Il trouve la boule. Plonger dans le silence de la palpation il fait rouler la rondeur sous son index. Il appuie avec deux doigts en tournant sur ma poitrine. Mon mamelon se raidit. Ses mains sont fines, petites et fines. A son poignet gauche, il porte une grosse montre au bracelet bleu vif. Elle est sportive et moderne. Le cadeau de sa femme pour ses 35 ans. Il a fêté son anniversaire avec leurs amis juste avant leur départ. L’amant de sa femme était à cette soirée d’adieu. Ils ne fréquentent pas encore beaucoup de monde ici. Des tensions apparaissent dans le couple. Des disputes éclatent pour un oui pour un non. Il me prescrit un test de grossesse et une mammographie. Il me rappelle à 20h30, le test de grossesse est négatif, il pense qu’il faut que je fasse un bilan hormonal.

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