Eclats de vies

On voit bien que vous ne connaissez pas Alexandre S ! Vous croyez le connaître parce que vous l’avez entraperçu à un vernissage ou à un concert…. Toujours le dernier à arriver… le premier à partir …Il ne  regarde jamais les œuvres qui sont exposées…Il va d’un groupe à l’autre…Il grapille des infos…Il les recycle après…Voilà c’est ça un recycleur d’infos…. et aussi un maître de l’illusion…il n’est jamais là où on l’attend …On le pose dans un endroit inconnu et au bout d’un moment tout le monde semble le connaître depuis la nuit des temps… il est ce qu’on veut qu’il soit…il a plusieurs vies comme les chats…avec l’élégance en moins… Toutes ses vies ont un point commun…Ni début ni fin…des bribes …des fragments et mis bouts à bouts ça tient…. Autant qu’une vraie vie et sûrement plus…Il est tour à tour professeur de tango…marionnettiste…DJ…tenancier de bordel…marin passeur de coke…marin pêcheur de thon…flic véreux…écrivain maudit…philosophe sans système…psychologue sans références…taulard en cavale…comédien à la ramasse… mercenaire sans contrat…quelques soient les métiers ou les situations, il fascine…. et quand il n’est plus là tout le monde l’oublie…jusqu’à la prochaine rencontre, toujours comme une première…en fouillant chez lui… ne vous gênez pas…il laisse tout ouvert…on rentre, on sort…un hall de gare…mais c’est intéressant ce qu’on y trouve…parfois bouleversant…il ne s’habille qu’en rouge et noir…sauf ses slips et chaussettes qui sont blancs… une obsession du sang et de la nuit… c’est cette part crépusculaire qu’on retrouve dans sa collection impressionnante de disques… quasiment tous de rock indé…on sent une préférence pour les groupes industriels allemands…DAF, Neubauten, Kraftwerk et d’autres…mais au détour, bien cachés…des chanteurs et chanteuses de variétés…on peut penser qu’il a besoin de légèreté…comme sa bibliothèque…des romans…principalement japonais encore une obsession…il en parle beaucoup de ce pays…je peux vous garantir qu’il n’ y ait jamais allé… il a peur de l’avion…une véritable phobie…d’autres bizarreries …la collection de Marvel surtout le Joker qui côtoie Spinoza, Nietzsche, Camus…mais c’est peut-être la même chose…ou une autre manière d’appréhender le monde…vous souvenez de cette histoire insensée…des amants de naissance nés du chaos nucléaire de Nagasaki…et pourtant c’était vrai…enfin pas tout à fait…seulement quand il en parle… avant qu’il ne disparaisse de nouveau…dans les tiroirs secrets de son ombre intérieure…impossible à résumer…impossible à saisir…seulement saisir de manière fugace les éclats de vie et danser sans rien attendre.

A propos de Guy Torrens

Guy Torrens est né en 1952 à Alger. Après des études de philosophie, il se tourne vers le métier d’éducateur auprès de jeunes délinquants. Il anime des ateliers d‘écriture créative à Marseille où il réside. L’écriture et la scène : Chanteur parolier de trois groupes de rock punk ( Fin de série, Dirty Bitch, L.V.3.S) de 1985 à 1995. Tournées principalement en Allemagne, Pologne, République Tchèque, Belgique. Das Klub. Scène vide. La nuit a digéré les derniers spectateurs. Claquements répétitifs d’un soupirail mal fermé. Rythmique minimaliste. « Port de l’angoisse, je bois tes mots, pas tes lèvres. » Les derniers mots flottent encore. Martèlement des pieds, jets de bière, éjaculations spectaculaires. L’écriture et la nécessité : Après la mort de son compagnon qui a partagé sa vie pendant 25 ans, il se consacre entièrement à l’écriture. Poèmes, romans, nouvelles, pièces de théâtre. C’est le bruit du moteur. La mort ne fait pas de bruit. Une fuite sidérée. Celle des rêves. Sombre était le jour, sombre était la nuit. On vivait dans cette opacité, propre à rendre fou, n’importe quel homme normalement constitué ; Le message arriva le matin du 2 janvier. Un cri d’année nouvelle. Anonyme. « La vie n’est qu’un sillon, celui qu’on ne peut tracer, les nuits d’errances sont des meurtres. »