#enfances #02 | un jour descendre

Avantage d’une maison sans grenier: on n’y monte pas trouver les reliquats du passé. Dans la maison sans grenier, ils sont au sous-sol, au rez-du-jardin, remisés sans ordre, jetés sans remords , oubliés avec force dans les espaces gagnés sur le vide sanitaire, là comme les poussières que l’on ne veut pas voir, cachées sous un tapis. Les affronter est une descente. Dangereuse et attirante à la fois. Descente froide au contact de la boîte de fer blanc enfermant les soldats de plomb. Descente humide des doigts qui se collent au plastique des albums photos. Descente froissée dans le papier de soie emballant d’inutiles couverts en argent. Descente à reculons dans les pages d’un livre gardant traces d’un vieil amour. Descente effrayée dans les objets des disparus, dans le silence des témoins amoncelés du temps désormais écoulé.

A propos de Ugo Pandolfi

Journalist and writer based in the island of Corsica (France) 42°45' N 9°27' E. Voir son blog : scriptor.

7 commentaires à propos de “#enfances #02 | un jour descendre”

  1. C’est magnifique. Descendre pour affronter les reliquats du passé . Puis l’énumération des différents descentes : froide, humide, froissée, à reculons, effrayée avec à la fin « les objets des disparus, dans le silence des témoins amoncelés du temps désormais écoulé ».
    Je suis touchée.

  2. Très beau texte, beaucoup de mots entre les lignes. On y lit chacun(e) un peu de notre passé. Merci Ugo.

  3. Merci Khedidja de votre lecture. L’avantage des mots entre les lignes, c’est qu’on n’a pas à les écrire. A chacun(e) de combler les manques.

  4. Merci Ugo, très beau !

    (je l’avais oublié, moi, le grenier, et voilà qu’il me revient en pleine face avec toute sa poussière, sa hauteur, sa noirceur, l’échelle vers la soupente et sous ses marches la commode à tiroirs dont je n ‘ai jamais su ce qu’ils renfermaient faute d’y avoir jamais vu goutte.)

    Face à ton efffroi, à ton vertige, je me rends compte que de mon côté, j’ai toujours aimé les traces, ce qui vous parle par les mains, les yeux, ce qui se devine, ce qui s’ignore, ce qui subsiste, la présence passée… j’ai toujours eu tendance à cultiver ce qui se passe en présence de reliques… est-ce que c’est la nostalgie? non. c’est ce que tu dis et qui m’agrandit : le silence des témoins amoncelés du temps désormais écoulé.