#enfances #2 | la boîte à déguisement

Il faut entrer dans la salle de jeux au bout de l’escalier en bois qui fait un coude au milieu dans une obscurité de plus en plus sombre. Quand on entre dans la pièce, on est pris par l’odeur des murs, une odeur boisée de papier et de moquette poussiéreuse. Au milieu de la pièce, un tas d’objets. Des objets partout. Des objets solitaires et des objets qui enferment d’autres objets. Dans un coin, la boîte à déguisements. L’osier bruisse sous les doigts. Il faut bien ouvrir le couvercle de la boîte jusqu’au bout car quand on le fait à moitié et qu’on le lâche, il revient s’abattre sur les doigts agrippés au bord brusquement, et même si tous les bords sont arrondis, et même si le couvercle ne pèse pas bien lourd, les doigts en ressortent rouges. C’est surtout que bien souvent on n’a pas le temps de l’ouvrir jusqu’au bout, c’est trop lent. Alors on donne une impulsion au couvercle, suffisante pense-t-on pour que l’objet achève le mouvement seul, mais bien souvent, on se loupe et le couvercle revient à sa position de départ, sauf qu’on a déjà nos doigts, nos mains, parfois nos bras, à l’intérieur. On a déjà plongé. La boîte semble sans fond. Agenouillée tout contre la boîte, dans un corps à corps avec elle, on peut y plonger tout le bras sans jamais atteindre le fond. C’est surtout parce qu’entre temps on y a rencontré mille tissus de textures différentes qui nous ont distrait de notre quête. Déjà on ne pense plus à atteindre le bout, on fourrage et on se laisse porter par ce qui effleure, ce qui glisse, ce qui gratte. Chaque déguisement a son toucher et à force d’y mettre la main, on sait exactement ce qu’on touche. Non pas celui-ci, ni celui-là. Ce ne sera pas lui que l’on mettra aujourd’hui. La main s’emballe, elle ne trouve pas. Alors elle extirpe des profondeurs les robes, les jupes, les froufrous, les ceintures, les capes … tout se retrouve au sol, en un tas sans forme, contant les possibles imaginaires qui n’ont pas été retenues. Nous ne serons pas aujourd’hui Blanche Neige, ni un oiseau, ni la Belle de la Bête. Et finalement ce n’est plus être qui nous guide, c’est le fait de n’être rien de tout ça, ou de pouvoir être quelque chose, de voir tous ces possibles se répandre sur le sol et de les contempler. Il y a tout ça dans cette boîte.

Un commentaire à propos de “#enfances #2 | la boîte à déguisement”

  1. Texte très agréable à lire. Il me semble y retrouver tous les ingrédients de la consigne: l’attention aux gestes et à la matérialité à laquelle ils se confrontent, la mise en abime de l’écriture/la création (ces vêtements: des signes à combiner qui ouvrent les possibles). De façon plus immédiate, j’ai été touché par le rapport à l’objet dont la matière prime sur la signification. La matière guide les doigts. Le toucher des déguisements, les textures différentes, j’aimerais en savoir plus.