#été 2023 #04bis / fenêtres – lits – rêves

A, B, C, D pour les 4 murs de chaque chambre. A est toujours le mur de la fenêtre.
A quoi rêve la narratrice?

Lit n°1 – B
Le lit longe le mur de droite, perpendiculaire à la porte. La porte et la fenêtre se font face. La lumière est éblouissante, elle entre à flot en ce milieu d’après-midi. Les barreaux du lit lui arrivent à peu près au menton. Elle tend la main vers la poignée de la porte, inatteignable. Elle tente de crier mais aucun son ne sort de sa gorge. La lumière et le silence s’emmêlent. Assourdissants. Le reste de la pièce est indistinct. Il n’y a que la porte, et la lumière d’été qui inonde impitoyablement la chambre. Ce souvenir imprègne fortement sa mémoire, jusqu’à ce que, des années plus tard, elle réalise qu’il doit s’agir d’un rêve.

Lit n°2 – D
La même chambre. Le lit est désormais le long du mur gauche, toujours perpendiculaire à la porte. Les barreaux ont disparu et le lit de bébé s’est transformé en lits superposés. Souvenir constitué de la superpositions de plusieurs images fixes, vue de la chambre prise dans la pénombre de fin d’après-midi, bribes de scènes de jeux, matinées lascives. Rêves de disproportions qui procurent une sensation de chute, une sorte d’ivresse impossible à raconter.

Lit n°3 – C
Une autre chambre. Une maison. Premier étage, porte de gauche sur le palier. Le lit superposé se trouve juste à gauche de la porte, mur opposé à la fenêtre. Elle occupe le lit du haut, le lit de la vigie. Par la porte entrebâillée, on peut entendre les conversations des adultes qui discutent au rez-de-chaussée. Certaines nuits elle retrouve en rêve une ville qu’elle connait bien. Il y a des magasins qui renferment des trésors.

Lit n° 4 – A
Même chambre que la précédente. Les lits superposés ont été séparés, le sien longe la fenêtre. Les rideaux jaunes ont une odeur de poussière mouillée. La fenêtre au châssis métallique donne sur les jardins et l’obscurité laisse apparaître des étoiles à profusion. La pierre est froide, la pièce n’est jamais chauffée et, l’hiver, la vitre se couvre de plaques de glace. Les sons de la télévision accompagnent l’entrée dans le sommeil. Elle rêve de voyages dans des charriots de cow-boy qui transportent des monceaux de couverture en laine de la marque O Sole Mio.

Lit n°5 – B
Même maison, chambre face à l’escalier. La chambre des parents devient celle des filles. Le père a aménagé une chambre pour lui dans le grenier. La mère occupe l’ancienne chambre des garçons, qui occupent maintenant l’ancienne chambre des filles. Tout le monde s’est déplacé dans le sens des aiguilles d’une montre. Parfois, elle rêve de la ville engloutie mais elle ne retrouve plus le chemin des magasins.

Lit n° 6 – A
Le père a quitté la maison. La valse des chambres se poursuit. La mère reste où elle est, les garçons se partagent les deux chambres des filles et ces dernières occupent le grenier aménagé. L’ancien lit des parents les suit. Le lit se trouve sous la pente du toit (mur de façade). Ses rêves dont des rêves éveillés qui racontent son prochain départ.

Lit n°7 – B
Premier lit hors de la maison. Mur de droite perpendiculaire à la porte. L’appartement est en réalité la moitié d’un appartement coupé en deux pour rentabiliser la location. Les parois sont tellement fines que l’on entend grincer les ressorts du lit du voisin. Il n’y a pas de salle de bains mais le 5éme étage offre une vue splendide sur les toits des Marolles. Vision des rideaux qui flottent dans le soleil.

A propos de Anne Vanweddingen

Formée au journalisme, travaille dans une société d'auteurs et d'autrices depuis longtemps, j'écris depuis toujours. Dans des cahiers à plumes, dans les marges, sur des papiers volants. Je cours, j'écris, je travaille. Je cours sur les bords du trou noir comme sur les rives d'un vieux volcan. J'écris mes aventures au centre de la terre.