Fabubu, 1#outils du roman

Fabudu aurait pu marcher ainsi sur le chemin le ramenant au petit appartement de l’autre côté du parc aux peupliers et aux saules. Il vient de parler longuement à sa grand-mère, qui se repose maintenant. Il a parlé de son avenir incertain, sa grand-mère l’a écouté. Il a parlé de ses envies imprécises, sa grand-mère a souri. Il a hésité puis a dit aussi que ses envies étaient peut-être trop multiples et le front de sa grand-mère s’est plissé. Mais elle doit se reposer maintenant. Dans le hall, il croise Mme Quintette. Elle a un sourire de grand-mère, elle aussi. Elle a du mal à contenir la joie de sortir de sa chienne. Il faut se parler très vite, on n’a que le temps d’un salut mais ce salut a l’air de compter pour Mme Quintette. Pourquoi le dire ainsi ? Pour Fabudu, l’échange du salut compte aussi, voilà, ce n’est pas le salut tant qui compte que l’échange du salut, presque comme en Afrique. M. Chalom sort de l’ascenseur. Là, il n’est pas tant question de salut que de nouvelles à donner. Oui, l’appartement convient très bien. Oui, il y a des chances qu’il reste ici quelque temps. Et cela pourrait même faire longtemps, oui. Mais c’est quand même difficile à dire. Il faudrait peut-être en dire plus mais Fabudu entend depuis le hall sonner ce téléphone qui ne sonne jamais. Il faut finir de répondre et désigner la porte derrière laquelle se passe quelque chose qui l’amène à intervenir, lui. D’urgence. C’est son téléphone qui sonne même s’il ne sonne jamais. Il faut retrouver la bonne clé dans la poche tout en finissant de dire que cela pourrait même faire longtemps et c’est difficile. Mais la porte s’ouvre quand même et il se précipite. C’est Bintu. Elle est encore à Tambacounda. Elle veut savoir. Pour venir.

Codicille : depuis plus d’un an je travaille autour de ce qui s’est éphémèrement passé et de ce qui aurait pu se passer entre deux personnes, dont l’une est moi, que je nomme, ici, par un dérivé du nom que j’ai porté en Afrique, Babubu devenu Fabudu. Donc ce n’est pas tout à fait moi, c’est moi à la réserve d’un détail de vie qui aurait pu me changer tout entier. L’autre personne est Bintu, une jeune femme qui a failli venir me rejoindre, à l’époque, depuis le Sénégal où je l’avais connue. Cette attente s’est cristallisée dans ma mémoire autour d’un moment où je marchais au long d’un trajet quotidien. Il s’agit ici de redonner épaisseur à ce moment à partir des rencontres et des échanges qui se produisaient fréquemment à l’époque quand je faisait ce trajet d’environ trois cents mètres entre la maison de mes grand-parents et l’appartement que j’ai habité pendant quelques mois. Et puis, je greffe à cet ordinaire, marqué tout de même par une attente, un événement qui ne s’est pas produit, un coup de téléphone -un peu comme un coup de théâtre- qui aurait pu être la première étape d’un processus d’évolution autre que celui que ma vie a connu.