#L9 – LIRE OU NE PAS LIRE.

telle est la question…

Lecture – C’est un réel bonheur de savoir que la lecture soit un nom féminin.

Laisse-moi finir ma lecture, quelle est ta lecture ? Dieu qu’elle est bonne cette lecture.

Elle est selon les différents dictionnaires, l’action matérielle de lire ce qui est écrit.

C’est un réel bonheur de savoir que l’on peut lire ce que l’on a écrit ou lire ce qui est écrit par d’autres lorsque l’on aime écrire et lire. 

« Les livres sont révolus » m’a crânement annoncé mon fils argumentant pendant une bonne demi-heure le fait qu’ils prenaient de la place, que c’était beaucoup de papier, qu’on pouvait lire sur un écran, etc. Et mon cœur de se serrer moi qui suis une grande lectrice et adore voir l’objet livre dans mon appartement, sur ma table de chevet, dans la bibliothèque de sa chambre, achetés, année après année, pensant lui faire plaisir. Mais pas de désespoir inutile, nous nous demandons encore s’il faut comme Hamlet dans Shakespeare « être ou ne pas être » alors « lire ou ne pas lire » est un combat qu’il nous faut poursuivre même si les écrans ont remplacé les bibliothèques et peut-être-même que cela n’empêche pas de lire. Et peut-être même que ces adolescents, lisent le soir en cachette et peut-être même qu’il serait bien de faire lire les adultes, les parents, car nombre d’adultes ne lisent plus non plus ou n’ont jamais lu ou savent à peine déchiffrer ou n’ont aucun livre chez eux ou ne montrent à voir que leurs écrans à leurs enfants. La lecture, un sujet trop intime pour le partager avec d’autres ? Une difficulté sociale, une honte à cacher ? Quelque chose dont on n’ose pas s’emparer ?

Lecture d’une carte, lecture d’un morceau de musique, d’une partition, lecture labiale, lecture sur les lèvres (absolument magnifique lire sur les lèvres de l’autre, surdité), lecture tactile (quand on ne voit pas, on touche les livres, les lettres, être aveugle) lecture de pensée (le fait de lire la pensée cachée de quelqu’un en observant ses manifestations musculaires involontaires (Piéron 1973.), être en lecture (en parlant d’une prostituée : être occupée avec un client) (expression incroyable être en lecture lors d’ébats sexuels). A ne pas déranger : je suis en lecture.

L’histoire de la lecture remonte à l’invention de l’écriture au cours du IV millénaire avant notre ère. Bien que la lecture de textes imprimés soit aujourd’hui un moyen important d’accès à l’information pour la population en général, cela n’a pas toujours été le cas. A quelques exceptions près, seul un faible pourcentage de la population de nombreux pays était considéré comme alphabétisé avant la révolution industrielle. Les érudits supposent que la lecture à haute voix (clare legere en latin) était la pratique la plus courante dans l’Antiquité et la lecture en silence (legere tacite en latin) était inhabituelle. Au siècle des lumières, les élites ont encouragé la lecture passive plutôt que l’interprétation créative. Pourtant certains penseurs de cette époque croyaient que la construction (c’est-à-dire la création de l’écriture et la production d’un produit) était un signe d’initiative et de participation active à la société. Ils considéraient en contrepartie que la consommation (c’est-à-dire la lecture) comme une simple absorption de ce que les constructeurs fabriquaient. Cette opinion soutenait que l’écriture était un art supérieur à la lecture dans les contraintes hiérarchiques de l’époque.

Dans l’Europe du XIIIème siècle, la pratique alors nouvelle de la lecture seule au lit, a été pendant un temps, considérée comme dangereuse et immorale !

Certains se sont inquiétés que lire au lit présentait divers dangers tels que des incendies à cause des bougies de chevet et d’autres prétendaient que les lecteurs et en particuliers, les femmes, pouvaient échapper à leurs obligations familiales et communautaires et transgresser les limites morales à travers les mondes fantastiques privés des livres.

Aujourd’hui, 20 % des élèves maîtrisent mal les savoirs fondamentaux à la sortie de l’école primaire. 30 minutes de lecture quotidienne permettent des progrès significatifs en français En déclarant la lecture grande cause nationale, l’ambition est de mettre la lecture au cœur de la vie de tous les Français en portant une attention plus particulière aux plus jeunes et à ceux qui en sont éloignés parce que les livres ne font pas partie de leur environnement socio-culturel, La Grande cause nationale constitue une opportunité pour amplifier et ancrer dans la durée un ensemble d’actions entamées depuis 2017, tout en développant de nouvelles initiatives.

Lorsqu’elle est arrivée dans le Nord, elle avait demandé à ce que chaque élève (écoles, collèges, lycées) rapporte un livre, aimé ou pas, de chez eux, en début de résidence artistique. En l’espace de quelques jours, tout le corps enseignant l’avait rappelé en lui disant que la plupart des enfants et des parents n’en avait pas. Pas par oubli, mais n’avait tout simplement pas de livres, ni de bibliothèque, pour toutes les raisons du monde ou pas de raison du tout, simplement : pourquoi avoir des livres ?  Ce fut un véritable branle-bas de combat et de mobilisation de la part des écoles, des petites bibliothèques tenues par les bénévoles et du MC Donald (vive les menus enfants !) qui a permis à ce que chacun puisse fièrement arborer cet objet devant les autres. Objets qui furent manipulés dans tous les sens, tous les jours, et qui ont procurés une réelle joie et partage. 

La lecture, un sujet vaste, trop vaste pour mon texte de ce jour…

J’ai dit à mon fils qu’il avait encore la chance d’avoir le choix ou non de lire, d’avoir ou non des livres, d’aimer ou non la lecture et de pouvoir se poser la question : lire ou ne pas lire ?

Références : Wikipédia, www.education.gouv.fr, CNRTL et réflexions personnelles.

A propos de Clarence Massiani

J'entre au théâtre dès l'adolescence afin de me donner la parole et dire celle des autres. Je m'aventure au cinéma et à la télévision puis explore l'art de la narration et du collectage de la parole- Depuis 25 ans, je donne corps et voix à tous ces mots à travers des performances, spectacles et écritures littéraires. Publie dans la revue Nectart N°11 en juin 2020 : "l'art de collecter la parole et de rendre visible les invisibles" voir : Cairn, Nectart et son site clarencemassiani.com.

3 commentaires à propos de “#L9 – LIRE OU NE PAS LIRE.”

  1. en voilà un beau sujet, et oui en effet, la lecture se faisait en effet initialement à voix haute, je crois que la lecture muette doit dater du XIIe ou du XIIIe. Merveilleux ce clin d’oeil, ne pas déranger : je suis en lecture. Et on voit traverser tout le texte, sans qu’il y paraisse, sans que cela soit sans doute volontaire, un lien direct et fort entre la lecture et la sexualité, une activité intime, cachée, une activité fondée sur la matérialité qui soudain se dématérialise. Cette image aussi de tous ces élèves sans livre, et cet objet soudain que l’on met entre leurs mains. On voudrait que le texte se poursuive, et vienne choquer, approfondir cette idée, ce côté tabou de la lecture, ce côté corrosif, que le texte s’échappe et surprenne, et se mette à délirer.