#voyages #prologue | (Fragments)

J’étais à Toulon dans un bar quand  
J’étais dans le port de Gênes qui n’était pas à Gênes mais plongé dans le noir d’une scène
J’étais à New York bien avant
J’étais à Rabat avant hier dans le cimetière qui surplombe la mer et je photographiais les tombes
À Orange sous l’arbre tu m’as parlé d’Oran le Mistral dépeçait les grands arbres
À Amorgos c’est le Meltem qui souffle et il n’y a pas d’arbre
Amorgos minérale et lustrale
Kalotaritisa la rouille du grand bateau
Dans le monastère de Khozoviotissa la robe du pope sentait le rance
C’est à Barcelone je crois pas à Bastia que tu as dit : Basta cosi!
Vierzon Vezoul  Honfleur Anvers et quoi encore ? dis le pour voir
Londres c’était ton idée un sarcophage au British Museum et notre errance dans les allées de Bloomsburry  
À Chelsea tu as mis ce chapeau ridicule et nous avons ri
Une bière dans Leicester square
De bières en bières de villes en villes nos bras s’allongeaient comme le nez de la marionnette
Anvers, Brest, Hambourg, tu bois trop
À Venise c’est promis je ne boirai que la Tamise
Je n’étais pas à Munich cette nuit-là
J’étais à Cracovie dans le quartiers de Podgórze
J’étais à Cracovie dans une calèche pour touriste
J’étais dans une rue sous la fenêtre de Kantor
Wielopole Wielopole oui il est mort
J’étais à Cracovie avec toi puis dans ce train jusqu’au bout des rails avec toi
Il faisait jour et il faisait nuit
Je n’étais pas en Engadine
Lait noir de l’aube
Je n’étais pas à Sils-Maria
Je n’étais pas à Santiaogo
Ni à Rio
A Pirgos en descendant vers la mer la charogne de ce bouc comme un oracle abandonné
De Sparte à Delphes nos yeux crevés
À Athènes devant l’étal du boucher les mouches prenaient couleur de chair
J’ai vu l’enfant au moineau mort et le turban et la perle à La Haye
J’étais à Gand devant le retable
J’étais à Lisbonne en rêve
Rue de Flandres j’ai montré mes dents
De Prague ce catalogue que tu avais rapporté à te donner le don d’ubiquité
J’étais sur le baleinier de l’ile de Nantucket
À Essaouira avec des gars et j’ai dormi dans tes bras
À Tokyo jamais ni à Hiroshima mais à Nevers oui mon amour
J’étais à Bourges à l’hôtel de la gare pour t’attendre en me cachant
J’étais à Chambord sous les combles et les spectateurs étaient sourds
Aux bords de L’Indre nous serions des indiens trois jours et trois nuit sans tomahawk ni tipi
J’ai vu les aubes de Sumatra dans une ruelle de Paris et le Mekong
Mizoguchi Kurosawa Satyajit ray et Tarkovski comme des pays
Rue de liège ou rue Daru rue d’Ulm rue du Caire et rue d’Aboukir
Rue de Casablanca rappelle toi
J’étais sur l’ile de Ré ramasser des escargots avec l’enfant vers le phare la baleine était morte
Au bois de trousse chemise kiss me not
Tu as dit la Chine du nord c’est dans un livre la baie de Savannah aussi
Oh Marguerite cette page déchirée de Calcutta
J’ai dit Stockholm je mentais et Pertersbourg encore
J’ai dit Shanghaï Bangkok comme dans la chanson et Tiraspol et Odessa Tatiana Sonia j’ai dit leurs noms tu me croyais
J’ai dit je n’irai pas plus loin
De Santiago je n’ai pas écrit mais de Paris si
Une carte postale de Postdam
Un petit colis d’Akranes
Adieu Philippines
Dis Borgarfjarõarhreppur pour voir
À Rome Roma la tombe sera restée ouverte
A Barcelone j’ai vu des flamands roses et un Miro derrière la baie
J’étais à Elseneur
J’étais dans cette chambre de Lille
J’étais dans le Connecticut avec un Polonais
J’étais sous un pont à Brooklyn

A propos de Nathalie Holt

Rêve de peinture. Quarante ans de scénographie plus loin, écrit pour lire et ne photographie pas que son lit.

10 commentaires à propos de “#voyages #prologue | (Fragments)”

  1. Enivrant. Ces morceaux d’histoires fragmentent le lecteur entre la réalité et l’imaginaire (peut-être ?). Le voyage est court mais si intense. Merci.

  2. Mêler les cartes avec l’usage du passé des verbes et les adverbes qui nous place avant après dedans… quel souffle !
    « Il faisait jour et il faisait nuit », c’est exactement ça !
    beaucoup aimé
    bravo Nat

  3. Merci Nathalie Holt. Quel magnifique chemin de voix dont les 66 stations croisent, entrecroisent, tissent une pluralité de voies. Brigitte Célérier a raison, il faut l’entendre : à voix haute. Merci, merci, merci Nathalie Holt. C’est beau. A faire tomber les frontières.