Ligne verte

La carte de la ville est dépliée sur le siège avant. Pourtant les GPS doivent déjà, à cette époque, exister, mais elle n’en sait encore rien. Elle pourrait prendre le métro mais cette bouche inconnue lui fait peur, jamais elle n’a essayé, elle vient du coin, de la campagne où seules comptent les cartes IGN. Accrochées au cou sous un plastique fait exprès, les lire est un jeu d’enfant, presque instinctif quand on a toujours, comme elle, balayé, battu la campagne. Mais la ville et ses tentacules souterraines, ces plans de lignes multicolores, elle mettra plusieurs mois à s’y frotter, préférant se protéger de ce monde inconnu dans l’habitacle réconfortant de sa Ford intérieur- c’est une chanson, la Ford intérieur– avec sa carte, donnée par le père inquiet de la savoir seule dans cette urbanité si loin de son coin natal où, à force, on n’a guère besoin de carte. On dira qu’elle a le sens de l’orientation. Un sens qui, plus tard, lui servira quand elle se mettra à aimer la ville comme on chérit ce qui a fait peur et contre quoi on a triomphé. Comme son vertige. Alors, une fois le coin de campagne déserté, elle jouera à la citadine, déchiffrant en un coup d’œil le sens des lignes, connaissant par cœur les couleurs…RER B comme Bleu, ligne 6 la ligne verte …elle s’amuse, le soir, à reconstituer ce mémo, pour se convaincre que la ville est sa nouvelle essence, pour cacher ce bout de coin qui seul, demeure, au fond de son corps. Et les cartes papier ne sont plus dans la boite à gants de la voiture. 

A propos de Marie-Caroline Gallot

Navigue entre lettres et philosophie, lecture et écriture.

6 commentaires à propos de “Ligne verte”

  1. ah très joli… (de la part d’une urbaine qui dans sa Ford intérieure préfère le plan de métro aux cartes IGN, quoique…)

  2. Ce texte est très évocateur (à rebours pour moi qui ai grandi dans les souterrains du métro parisien, et sur la ligne B du RER).