Notes partition

  1. Redistribution : pourquoi ce classement  plutôt qu’un autre ?  A  la relecture, par la suppression  des points d’ancrage liés aux propositions, il y a eu  libération d’un espace  indépendant,  chaque texte extrait  du déclenchement initial trouvant une autre place, plus organique peut-être, évidente aussi. D’ailleurs, la nouvelle place de chaque texte définit, comme en filigrane, d’autres textes, invisibles.  La suppression des liens renvoyant à la proposition initiale a d’abord créé une sorte de flottement. Puis on comprend que dans l’aléatoire a déjà commencé la cristallisation.  Ce qui apparait aussi : des passerelles rejoignant d’autres temps d’atelier – ville X45, recherche nouvelles-, suggèrent d’autres regroupements, traverses, aimantations. C’est un territoire en formation, quelque chose de précis qui émerge du disparate.
  2. Répartition   : hypothèses au carré maison d’à côté pommes de terre et sphinx  maison du premier domaine ouverte ou fermée, racines vie modification, 27 septembre et une image cartons crochet toit toujours autre poêle et boîte d’aquarelle une fois toi maintenant (modifié). Le seul ordonnancement des titres ouvrant les contenus donne des indications. L’effacement des titres fait ensuite surgir  un paysage dont les éléments intérieur/extérieur s’articulent.  En inventant par cette redistribution un livre qui serait né de la démarche adoptée, on pourrait imaginer une couverture- puzzle rassemblant selon la nouvelle proposition les aquarelles placées à chaque fois en tête des textes : à aucun moment elles ne sont des illustrations mais plutôt et, à chaque fois, une  résonance du réel, un arrêt  sur image sans repentir –encre et aquarelle à l’instant- correspondant à la naissance du texte. Lecture de gauche à droite, aller à la ligne. Sur la photo, les aquarelles sont disposées sur une couverture blanche avec motifs en relief, tissu épais sur lequel pouvait se reposer le peintre. Et nous parlions travail.
  3. Quadruple référence : à la chanson, créée en pleine première guerre mondiale, puis reprise par Chaplin pour les Temps modernes dans un Nonsense Song improvisé. Chanson aimée par Tine âgée, dans  son village finistérien : on appelait la charmante vieille dame, maman d’une  grande amie,  par la fin de son prénom et à la fin de sa vie, atteinte par la maladie d’Alzheimer, elle perdait tout sauf, par bribes,  l’histoire de ses jeunes années. Il y a autre chose : le  côté Strada, clown triste, de la narratrice se retrouve dans le Nonsense Song qui fait rire  mais au fond est loin d’être drôle. C’est ce qui transparaissait dans « Une autre parade », spectacle donné en 2014 par des professeurs chantant dans le chœur de Dix Mois d’Ecole et d’Opéra, et CE avait écrit le texte du livret.
  4. « Le Télégramme de Brest », avec toutes les nouvelles locales, entre vie des associations, animations, annonces –naissances, décès-, séries thématiques plus, de temps à autre, un article brillant sur les courses de vélos. Et aussi, au cœur de l’été, une pleine page sur la fête de la moisson.
  5. Le carré de terre : une forme emblématique. Le lopin, le morceau. On peut le définir, l’ensemencer, le retourner, en faire un jardin secret. D’ailleurs, les  quatre enfants  avaient chacun à leur disposition  un carré qu’ils pouvaient cultiver à leur guise. Le premier frère, méthodique, organisait de parfaites rangées, plutôt des légumes. Le second faisait des expériences en pratiquant des greffes sur un petit merisier censé donner, après opération, un cerisier et elle, l’aînée, mélangeait allègrement légumes et fleurs, obtenant dans le fouillis couleurs et belles récoltes, à la surprise de tous. Les explorations avaient lieu dans le jardin de la Ferme des Granges à Palaiseau. Ce jardin a aujourd’hui volé en éclats, remplacé par la pelouse et les grilles qui encerclent un château d’eau et un radar.
  6. L’Ile de Sieck ou île de Batz, selon. Dans les deux cas, les familles d’agriculteurs et de pêcheurs parvenaient à vivre de leur activité. C’était avant. On y trouve toujours un temps suspendu, un silence logé entre les vieilles pierres, sauvages ou enchâssées dans les murs. Et des marcheurs. Des oiseaux du large aussi.
  7. Allusion au contenu d’un texte de 70 pages intitulé « Perséphone en fugue » (inédit pour l’instant). Fugue est le mot qui convient exactement, le sujet de la fugue, en musique, fuyant d’une voix l’autre. C’est bien ce qui se passe. Dans la  la fugue,  je, tu, elle,  sont les trois versants des distances prises, quand il s’agit d’utiliser l’écriture pour photographier ce qui ne se photographie pas : le déplacement perpétuel.
  8. Voir note 2
  9. Se référer aux notes concernant « la ferme des Granges », dans « Forteresse», atelier d’écriture ouvert précédemment par François Bon.
  10. Egalement évoqué dans « Forteresse », le Domaine d’Armainvilliers  s’étend entre Tournan-en-Brie et Gretz-Armainvilliers. Acquise par le vieux baron Edmond de Rothschild, l’immense propriété avec forêt, lac, château de style anglo-normand  a été vendue au roi du Maroc. Le Hassan II puis revendue par le fils dudit roi Mohammed VI. Le père de CE  y fut régisseur des terres cultivées entre 1952 et 1961, période à la fin de laquelle le jeune baron, également prénommé Edmond, en  décidant de  transformer en pâtures et terrains pour chevaux de courses les terres cultivées, a « remercié »  le régisseur qui a dû déménager à Palaiseau avec sa famille.
  11. La ferme natale  se trouve à Mormant (Seine-et-Marne).  CE ne l’a jamais vraiment connue, sa famille étant partie un an après sa naissance dans des circonstances non clarifiées.
  12. Il s’agit de primo-infection tuberculeuse. L’adénopathie nécessite une intervention chirurgicale. A la campagne, les conditions de l’intervention étaient plutôt rudes. C’est le médecin généraliste qui se chargeait de la chose avec les moyens du bord, un peu comme faisaient les vétérinaires. En la circonstance, les ganglions infectés ont été retirés (côté gauche du cou) en l’absence de roi susceptible de guérir les écrouelles.
  13. Ecole de Tournan-en-Brie, hors du Domaine. Le seul bonheur –à l’exception du retour dans le Domaine-, était secrété par  la lecture et les dictées à l’encre violette, recopiées pour le plaisir de voir ressurgir les textes libérés de l’exercice.
  14. Ce poème d’Apollinaire, découvert à seize ans,  a figuré un choc profond : les portes coulissantes du monde se sont ouvertes et dans la brume du poème, l’adolescente a su qu’au filigrane du texte se trouvait un chemin un peu étrange, plein d’ombres,  une errance,  une quête désignant à la fois  ce qui était perdu et recueilli, avec marque au fer rouge,  signe de reconnaissance « Une femme lui ressemblant C’était son regard d’inhumaine
    La cicatrice à son cou nu ». La seule existence de ce poème représentait, grâce à la blessure, apparemment cicatrisée, une sorte de protection. Encore aujourd’hui.
  15. Le lycée Blaise Pascal à Orsay accueillait alors  les élèves, de la sixième à la terminale. Des préfabriqués annonçaient un agrandissement de l’établissement, lequel était construit au pied de la forêt, détruite depuis par le chantier de la construction des Ulis. Le train de la ligne de Sceaux  –devenu depuis le RER B – s’arrête aussi au Guichet, juste avant Orsay. C’est là qu’en venant de Palaiseau, CE faisait halte pour lire et écrire au bord d’un petit étang qui sans doute existe toujours. Les pièces d’eau sont importantes : ne sont évoqués ici ni le marais de Millonfosse, ni l’étang du château de la Chasse ni le long bassin du parc de Sceaux le long duquel marchaient l’étudiante et le peintre.
  16.  Dans cette vaste maison, à Mondoubleau vivait avec sa famille un ébéniste qui, non seulement exposait des meubles simples et beaux, fleurant l’huile de lin mais accueillait aussi régulièrement dans un extraordinaire grenier des musiciens qui donnaient des concerts baroques, folk, jazz…C’est là qu’émerveillée CE a entendu Gheorghe Zamfir jouer de la flûte de Pan au beau milieu du grand périple en stop.
  17. Mich Eschenbrenner, potière et céramiste, décédée le 17 Janvier 2018. Diplômée des Beaux-Arts de Reims en 1952, elle s’était installée avec sa famille à Saint-Etienne, développant un atelier de poterie dans le cadre des Ateliers de la rue Raisin. La famille  s’est transportée  un peu plus loin en pleine nature,  dans la vieille ferme du Labouret (Saint-Genest-Malifaux) : la céramiste y a aménagé un atelier, construit un four à gaz puis un four à bois, fondant les émaux à base de cendres et de minéraux. Elle a ouvert son atelier à de très nombreux stagiaires, transmettant son art aux passionnés de céramique. Travaillant en pleine solitude pendant l’automne et l’hiver, elle a été reconnue comme une grande par ses pairs et par les autres.   C’est l’association «  Le four à bois du Labouret » qui a publié au printemps 2019 sur les presses de Cheyne « Passion d’Email », livre-hommage. CE a beaucoup appris en séjournant à plusieurs reprises au Labouret , planète ouverte et chaleureuse.
  18. René Char, aux Busclats, à l’Isle-sur-Sorgue. En 2007, CE qui menait l’atelier –théâtre dans son lycée à Argenteuil a créé un spectacle intitulé « Les compagnons dans le jardin », en écho au fameux poème. Extrait du texte de présentation : « Ecrit au cœur de l’année René Char –centenaire de la naissance du poète- ce texte soulève la rencontre de deux jeunes filles avec le poète là où il vécut, en Provence. 1972 : deux amies, portées par les textes de Char, décident de faire huit cent kilomètres en stop pour rencontrer celui dont elles admirent l’œuvre. Elles n’ont établi avec lui aucun contact préalable, il ne les connait pas. Et pourtant, très tard, au début de la nuit, la rencontre a lieu. Car telle est la poésie : reconnaissance immédiate, grâce de l’instant, lanterne élevée à hauteur de visages. Au-delà de l’événement personnel, j’ai voulu transmettre cette rencontre : quelles traces peut laisser une telle démarche racontée à la génération d’adolescents que nous accompagnons trente-cinq ans plus tard : amour d’une poésie dense forgée dans le creuset de la Résistance, certitude intérieure qui pousse l’être à dépasser les périmètres connus pour accéder à une autre vérité, éclair- les mots-mêmes du poète. Le texte de l’hommage rendu aujourd’hui ne présente pas le détail du dialogue en pleine nuit mais plutôt les circonstances, les situations qui entraînent dans un même sillage une rencontre unique. Dialogues des jeunes filles décidant de franchir le mur du jardin, route de Saumane, présence de figures-relais permettant de faire la navette de 1972 à 2007, matériaux du déplacement. (…) »
  19. Enfants de la Maison d’Enfants le Renouveau à Montmorency, maison ouverte en 1945 ; élèves du lycée Fernand-et-Nadia-Léger à Argenteuil ; jeunes et moins jeunes du « Noyer-Crapaud ».
  20. Verbe forcément utilisé dans les unités de soins palliatifs. Un verbe dont on n’aurait jamais voulu connaître contenu et ramifications mais qu’il a fallu voir en face
  21. « Le long d’un amour ». François Cheng. Celui-ci a écrit pour le peintre qu’on nommera ici le peintre Météore un long poème « Que nos instants soient d’accueil » ; à ce texte a répondu une série d’aquarelles, ensuite lithographiées. Des livres rassemblant tous les signes ont été publiés. CE choisit ici de ne pas donner le nom du peintre car elle est actuellement dans l’écriture de ce qui n’est ni une monographie, ni une « biographie amoureuse »  -pour reprendre ce que lui disait une amie artiste du chœur de l’Opéra- mais une nécessité à partir de laquelle elle doit résoudre en écrivant les questions déjà évoquées – fragments avec  il, elle, je, tu – impliquant présence et/ou absence d’une narratrice qui est aussi témoin compagne, auteur.
  22. Depuis le 28 Septembre 2018, le peintre Météore repose en terre finistérienne,  au Nord-Ouest. Non loin de Tine.
  23. Chaque dimanche cette année-là, la narratrice prenait le train de Palaiseau à Gif-sur-Yvette avec un jeune homme atteint de trisomie pour se rendre dans un local géré par les Eclaireurs de France.
  24.  Il a fallu définitivement vider l’atelier du peintre à la Ruche (Paris 15è). A la disparition s’est ajoutée, pendant des jours et des jours, un intolérable déménagement.
  25. Rue du Dourduff (signifie « l’eau noire » et d’une certaine manière, l’encre) descendant jusque dans la vallée du Guillec, rivière générant certaines fois à la tombée de la nuit le gris de Payne des grandes aquarelles.
  26. Place des Vosges, Paris : quand on sillonne la ville pour retrouver d’anciens trajets, y faire halte peut permettre parfois de reprendre pied.
  27.  Entre autres, dans une première strate, allusion au lancement de l’exposition « Chaplin, homme-orchestre », à la Philarmonie, Paris.
  28. Couleur beaucoup utilisée par le peintre : c’est un gris bleuté, composé de pigments différents – noir de carbone et bleu outremer.
  29. On peut penser au tunnel de Saint-Denis, long, chargé, avant l’accès au périphérique.

A propos de Christine Eschenbrenner

Génération 51.Une histoire de domaine perdu, de forteresse encerclée, de terrain sillonné ici comme ailleurs. Beaucoup d'enfants et d'adolescents, des cahiers, des livres, quelques responsabilités. Une guitare, une harpe celtique, le chant. Un grand amour, la vie, la mort et la mer aussi.