#P12 | Y a pas le feu suivi de…

1 un Calder pas plus haut que ma tête, tirage réduit de celui qui se trouvait aux pieds des tours à New York (1983) 3 de l’eau enfermée qu’on pourrait prendre pour la mer 5 deux enfants après un pigeon dans l’allée qui longe le lac comme deux enfants après un pigeon dans l’allée des Maillol aux tuileries 6 une passerelle plongeoir (bras de grue pour voir au dessus de l’eau) 6bis Et regarder les montagnes fondre dans l’eau 6ter l’homme de dos croire qu’il va sauter tout habillé 7 L’enchantement cinématographique du cadre et de la lumière 7bis — vous tournez quoi ? — La mort d’une mouette 7ter Jean Luc : quand il filme le vent. Quand il filme l’eau. Quand il filme l’évanouissement de l’homme au bord du lac 9 des manèges : auto-tamponneuses, carrousel, pêche aux canards. 9bis on vend des pommes d’amour et des frites 11 on vend des chaussures très chics pour marcher 9bis Ici on marche 11ter on grimpe 13 ici on suspend son manteau à une patère à l’entrée du musée. Il n’y a pas de vestiaire cependant que comme ailleurs on chie 15 Jusqu’au printemps on skie — ce qui ne se fait pas partout. 17 dans les rues on croise des groupes de gens avec des chiens en laisse et des personnes à brassard rouges 17 bis on dresse les chiens avec des maitres chiens 17 ter les chiens s’ils sont seuls, ce qui n’arrive probablement pas, traversent dans les clous qui, comme souvent ailleurs, sont des bandes blanches soudées à chaud au bitume 17 quater on ne traverse pas en dehors du passage même si l’on est en retard : ni homme ni chien (on n’est pas en retard) 19 on ne crache pas par terre. 21 on se soigne aux herbes des montages 21bis on s’appelle Heidi et parfois — c’est très rare— , Edelweiss 23 ici il y a un funiculaire comme à Montmartre, on n’y vend cependant pas de sacré cœur 23bis un distributeur distribue des boissons gazeuses et du chocolat chaud. 25 En haut la lumière fait comme sur le dos d’une carpe des miroitements froids 27 deux hommes parlent, ils ont un fort accent entre montagne et lac. on comprend qu’ils parlent des étrangers 27bis il y a des étrangers qui… 27ter des étrangers que… 27quater « faudrait quand même voir à nettoyer tout ça » 29 là bas ils ne sourient pas à tout le monde ( ici non plus direz-vous) 29bis ils vont plus vite qu’on ne croit 27ter le funiculaire descend au rythme d’un funiculaire et on ne contrôle pas ton billet car tu as pris un billet 31 cet hôtel sur pilotis ultra moderne bois sur verre, nature et transparence. Chambres studios de luxe. Cet hôtel tu l’avais vu dans un film. À la fin la chambre explosait 33 Tu te promènes toute nue dans cet hôtel qui donne sur le lac et tu penses à la mort. 33bis c’est le théâtre qui paye la chambre où tu vas certainement mourir 33ter pour rejoindre le théâtre tu dois marcher trente minutes 35 la nuit tombe vite 37 « la vie elle a comme pas passé » dis le vieil acteur sur la scène 39 tu manges un chocolat et tu comprends que tu n’es pas encore morte 41 tu cherches un coucou partout 43 finalement tu t’endors

Débarcadère

2 il arrivait que la houle arrache l’amarre (l’accord du temps ?) 2bis il crie qu’on arrête de faire bouger le bateau. C’est en juillet; le 26 il aura cinq ans 4 c’est une île  4bis jusqu’à Hier c’était une île 6 c’est une presqu’île 6bis toucher sa rive 6ter c’est ton île dis tu parlant d’elle 8 tu traversas un jour clandestinement, roulée en boule derrière le châssis 80 figure qui occupait l’arrière de l’auto (une  toile préparée  à la caséine, pas à colle de peau — poudre de lait contre poudre d’os), détail important à cause de l’odeur. Sept heures de route dans la caisse à savon de D: valait mieux pas la colle de peau 10 le bac et le raffut des mouettes 12 plus tard le rafiot du père Aunis 12bis les poissons pas morts dans la calle du père Aunis. Mulets et mulets. Leurs lueurs. 12ter le fils Aunis qui pousse la brouette ou qui tient la fourche: La fenêtre de notre chambre donnait sur la rue. Le matin et le soir c’était la brouette du voisin partant ou rentrant de son champs qu’on entendait. Le  fils tenait la fourche à deux mains en titubant ( qui tenait qui ) 14 Ce claquement sur les pavés c’est le cheval de traie. Et courir à la fenêtre. Ses pattes se terminent par de longs poils blancs qui s’évasent sur les sabots et les couvrent presque entièrement: ça ressemble au pantalons du moment, ça nous fait rire.  Nous  saluons le cheval. Le garde champêtre répond d’un coup de corne. Quand il crie les nouvelles au tambour  nous  suspendons nos jeux. Il pourrait annoncer quelque chose de formidable, comme un feu d’artifice imprévu, ou d’exceptionnel comme la découverte d’une baleine échouée mais ça n’arrivait pas 14bis tu tombes en amour du cheval. 14 quater un jour tu lui diras qu’il te plait parce qu’il ressemble à un de Percheron 16 nous allons au bout du monde en automobile — c’est avant les pistes à vélos. Dans le petit bois de… nous jouons aux auto-stoppeur. La voiture ne s’arrête pas: « on dirait qu’on seraient abandonnés« . Croire qu’ils vous abandonnent sur le chemin du bois, c’est le meilleur du jeu 16bis la 4L s’enlise: « on pousse sinon on rentre à pieds » 18 sous tes pieds la poudre grise entre argile et cendre 18bis les marais en jachère. 20 c’est un pont qui t’a reliée à elle avant hier. Dans le bus tu n’as pas crié son nom comme vous le faites chaque fois dans l’automobile  22 le phare 22bis et tout ce qui s’échoue…

A propos de Nathalie Holt

Rêve de peinture. Quarante ans de scénographie plus loin, écrit pour lire et ne photographie pas que son lit.

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