#photofictions #08 | noms d’oiseaux

(paragraphe contextuel et motivant l’écriture dont le contenu est finalement absent, il a été indispensable de l’écrire avant de l’effacer pour que la suite prenne forme, 426 mots et 28 blocs)

Il s’agira de retirer d’un musée dans un état avancé de délabrement, les œuvres des trente-cinq artistes longuement sélectionnés, puis de recouvrir les murs des petites lettres des mots oubliés et laissés là sans raison.

On fixera sur les vieux murs à nouveau vides, les listes ou les fragments de listes de mots, en lettres imprimées, peintes, incrustées, dessinées,

sur du papier journal,

sur des tentures de mousseline,

sur du plastique de sac poubelle,

sur de la soie détissée,

sur du verre comme en coulure,

sur du feutre tendu rehaussé de crayon gris,

sur des faisceaux de câbles électriques,

sur des cartons d’emballages de piscines gonflables,

sur des planches ordinaires.

On brodera les mots en fil de couleurs à même les photos démesurément agrandies des listes fixées aux cimaises avec des morceaux de scotch géants.

On remplira de paperolles, des vitrines obsolettes qu’on fixera tête en bas au plafond. Des ballons blancs donneront à l’ensemble l’allure onirique d’un monde enfuit et inversé.

On remplira avec les mots pyrogravés sur des plaquettes de bois, les vestiges des terrariums factices où sont encore des souches, des herbes séchées, des cailloux, du sable collé, une de leurs parois peinte d’un paysage lointain, elles seront installées comme par des enfants.

Pour finir, dans la rotonde, sous la coupole, les lettres agrandies à la taille des colonnes composeront une nouvelle cathédrale. Un éclairage rouge amplifiera l’ambiguïté du lieu. Une cantate de Bach sera diffusée en boucle.

Sur les coursives, tout en haut, les vitrines demeureront vides ou presque, on posera ça et là, une figure humaine tenant dans ses mains quelques mots. Par un système de miroir, ils seront lisibles bien que déformées, des sculptures de grès à l’échelle 1, modelées un peu lourdement à la main avec des yeux de verre. D’autres plus petites et faites de résine seront entièrement floquées de velours vert, elles auront dans les yeux, des larmes de verres. 

reconstitution de la liste (extrait)

chaque série est entourée de tirets espacés, parfois séparée par une ligne continue ou doublée à la fois de tirets et continue 

les listes contiennent 239 mots, noms et varitions de noms d’oiseaux parfois répétés, comme chouette qui se retrouve cité cinq fois, dans cinq cases adjacentes.

les mots sont répartis dans 150 cases

vingt-cinq cases sont vides

deux mots sont barrés et illisibles

une case contient cinq mots grue de paradis ombrette flammants jabiru ibis

le mot petrel est amusant

le mot gros-becs intrigue

le mot coucou donne à réfléchir



A propos de Catherine Serre

CATHERINE SERRE – écrit depuis longtemps et n'importe où, des mots au son et à la vidéo, une langue rythmée et imprégnée du sonore, tentative de vivre dans ce monde désarticulé, elle publie régulièrement en revue papier et web, les lit et les remercie d'exister, réalise des poèmactions aussi souvent que nécessaire, des expoèmes alliant art visuel et mots, pour Fiestival Maelström, lance Entremet, chronique vidéo pour Faim ! festival de poésie en ligne. BLog : (en recreation - de retour en janvier ) Youtube : https://www.youtube.com/channel/UCZe5OM9jhVEKLYJd4cQqbxQ

14 commentaires à propos de “#photofictions #08 | noms d’oiseaux”

  1. Bonjour Catherine
    Voilà une surprenante et belle scénographie poétique ! Merci pour cette invention foisonnante à partir de tes listes de mots.

    • Coucou ! oui coucou, comme dit plus haut, car au fond 99 % est vrai, ensuite c’est le jeu de construction que j’aime qui rend l’ensemble à la fiction,
      merci de la lecture,

    • merci Sandrine, j‘ai aimé le faire aussi, avec des moyens illimités, comme une maquette d‘un possible possible,

  2. Les mots sans les mots (ou si peu). À la fois jeu de construction, comme tu dis, mais aussi jeu d’imaginaire. Très beau.

    • Merci Jean-Luc, de la lecture et du retour. Je n‘arrivais pas à rentrer dans les mots venus des rues, je ne vis pas en (grande) ville et m‘y trouve momentanément plongée, le réel est trop dense et m‘a submergé. Trouver cette réelle liste dans un vrai lieu à la fois connu et perdu m‘a porté.

    • Ce ne sont que des mots, Nathalie, il ne reste pas la moindre trace du moindre oiseau ou plume…promis,

    • Merci Piero, j‘ai beaucoup « volé » ou plutôt occupé le nid, comme le dit la fin du texte, mais remâché le contexte à ma façon quand même, je trouve ces caviardiages du réel très puissant à écrire, j’aime le faire.

  3. quelle audace chère Catherine, écrire sa fabrique, déguiser l’art, l’empanacher, l’incruster l’oindre l’entailler,
    le mot comme un bois qu’on sculpte
    d’un coup s’envole aigrette et buse de grand vent !!
    merci très vif

    • Merci Françoise, oui déguiser l’art, c’est tout à fait ça, et c’était plutôt intense comme jeu, mettre du réel dans le texte à largement dépassé l’usage de mots collectés, et les lieux ainsi que la déambulation ont agit pour faire le texte de la même manière,

    • Merci Perle, de la lecture et retour, j‘ai été porté par ce bâtiment retrouvé et perdu à la fois –