#photofictions #04 | Challenge de pétanque

Challenge international de Pétanque– dédié à Henri Salvador –

Corse, L’Ile-Rousse, dimanche 23 septembre 2022

La place Lisula est noire de monde. Pour le concours, elle accueille 360 équipes de boulistes, tous des pointures qui « envoient la came » (ils jouent tous de manière excellente). Ça vise, ça tire, ça tire au fer, ça pointe, ça pointe. Celui-là – il se prénomme Lisandu, ouah, Alexandre autrement dit, « celui qui repousse le guerrier » – se prépare à pointer. Ses coéquipiers le soutiennent : Lisandu, Lisandu… Ce que l’on remarque au premier regard, sous le coupe-vent vert et bleu, c’est son torse puissant, un torse calé bien droit sur ses jambes afin de maintenir l’équilibre de son corps en position accroupie. C’est presque un homme-tronc ainsi tanqué sur la pointe de ses pieds, le droit posé légèrement en avant, le gauche un peu de travers en arrière, à peine décalé. Un homme tronc dont la tête est cachée par la capuche de son blouson et le visage juste deviné, assombri par la visière d’une casquette et le sombre des lunettes de soleil. En cet instant précis, son bras droit est lancé vers l’avant, le gauche envoyé vers l’arrière, en un mouvement de balancier assurant là encore l’équilibre du corps. Le bras droit se retrouve en position horizontale, léger comme un papillon, poignet souple, main fermée, doigts serrés sur la boule, pouce ouvert cependant. Le torse accompagne l’ouverture de la main, contrôle l’élan de la boule vers le but. La boule effectue en douceur sa trajectoire, elle se pose tout porche du cochonnet. l’homme-tronc se relève, se déploie, apprécie, il est sur un nuage, un joli coup. Applaudissements des spectateurs. Hourra ! En écho, le hurlement d’un ferry qui entre dans le port. La pluie a cessé. Les palmiers et les platanes s’égouttent. Le soleil brille sur la place et l’on imagine Pagnol déclarant dans Le temps des amours : « La preuve que Dieu est l’ami des joueurs de boules, c’est que les feuilles des platanes sont proportionnées à la force du soleil. » Ici, après cet été torride, elles virent doucement vers le jaune.