#photofictions #02 | cochonnet

Instruction pour épuiser photographiquement le parc majorelle et un bout de la rue saint bernard
Il faudra photographier l’enfant mort. On pourra utiliser les trois panneaux qui en parlent : celui qui dit qu’il est là, celui qui dit qu’il n’y est pas et celui qui dit qu’on ne sait pas
Photographier le son des cloches qui sonnent les heures
photographier les cris des enfants qui jouent dans les belles maisons jaunes sous le haut relief de sainte marguerite. Il faudra qu’on voit bien que la sainte les protège eux et la cabane citoyenne
photographier le cochonnet des joueurs de boule
photographier les hortensias hydrangea acer érables du japon arbousier ifs charmes lauriers cornouiller fatsia lierre pterocaryas du caucase buis à moitié morts merisiers
photographier comment l’immeuble de Massimiliano Fuksas s’accroche en haut des érables : de bas en haut, le ciel légèrement nuageux, le haut d’un immeuble gris, celui de Massimiliano Fuksas, un érable du japon, des hydrangeas.
photographier les femmes et les hommes qui semblent vivre ici, abimés ou égarés de la vie, photographier la quête de gentillesse de solidarité, d’un bonjour
photographier le trompe l’œil, se débrouiller pour que la photo soit en relief
photographier le couinement du camion des poubelles
photographier le restaurant coréen le restaurant réunionnais le restaurant africain le restaurant italien le restaurant de la dame japonaise et son mari libanais
photographier la bonne odeur d’un après midi de dimanche de fin d’été
photographier les photographies de l’association de quartier qui montre des gens de toutes les couleurs
photographier la petite fille en rose sur son beau vélo bleu
photographier la dizaine de langues qu’on perçoit en marchant 20 mètres

Comment veux tu que j’ai assez de pellicule pour photographier tout ça et puis il faut que ce soit en couleur. et puis c’est qui manganelli ?

Photo1 : A gauche, sur toute la hauteur, l’écorce d’un merisier avec des traces comme des blessures ; en fond de l’image, la barrière qui sépare le boulodrome du parc. Sur la barrière est fixé un tissu translucide qui laisse deviner, en transparence les boules, les joueur, le chien qui pousse un ballon avec son museau, le lierre sur le mur du fond. Accroché à la grille côté parc, un nichoir à oiseaux dont l’entrée ronde évoque les boules.

Photo 2 : en triptyque : un agrandissement de l’oeil rond du monsieur qui tire, le plan rapproché du cochonnet et l’instant décisif du carreau que le tireur vient de réussir. L’instant décisif est au milieu. On ne voit pas l’autre oeil qui est fermé pour viser mieux.

A propos de bernard dudoignon

Ne pas laisser filer le temps, ne pas tout perdre, qu'il reste quelque chose. Vanité inouïe.

6 commentaires à propos de “#photofictions #02 | cochonnet”

  1. « Photographier le son des cloches qui sonnent les heures »
    « photographier la bonne odeur d’un après midi de dimanche de fin d’été » J’aime l’impossible rêve où tout devient possible tant tes mots sont évocateurs d’émotion, finalement pas besoin de pellicule ?
    Merci Bernard

    • Merci Marie. Qu’est ce qu’il ne faut pas faire pour échapper à la tentation de fixer/figer le réel !