remonter à l’air libre

Métro

Un escalator gémissant, un ascenseur bringuebalant, sale et des marches écornées mènent au même quai. Dans les entrailles du quartier, des remugles fauves. Des rames sans chauffeur se succèdent dans un sens et dans l’autre. Des journaux gratuits, abandonnés depuis le matin jonchent le sol dallé et s’amoncellent en feuilles volantes entre les cubes où l’on peut s’asseoir pour contempler, à l’infini, les silhouettes verdâtres qui s’engouffrent au rythme métronomique de l’ouverture des portes.

Salle de contrôle

Au niveau zéro, la pièce aux cent écrans. Vitrée, elle abrite un gardien. Au premier plan, un bureau encombré, au fond, un mur télévisé. Les images filmées par chaque caméra du parking sont ici diffusées. Les colonnades, les portiques, les accès, les coins sombres sont à l’honneur sur des rectangles assemblés qui n’en forment plus qu’un. La pièce est une résurgence perpétuelle de la nuit. Le néon qui vacille n’y peut rien.

Parking

Niveau 1. Immense parallélépipède de béton, allée de colonnes grises, à gauche et à droite, des niches numérotées, des alvéoles sacrées. Une rampe étroite, en colimaçon, conduit au niveau 2, identique en tous points à la strate inférieure. Un tracé au sol guide vers le niveau 3. On s’élève dans le cœur climatisé du géant. Au niveau 4, on voit le ciel et le ciel nous voit. Une trouée, une terrasse même, où on ne s’attarde pas mais sur laquelle les pigeons donnent preuve de vie.

Voiture

La vitesse, la température de l’huile, le niveau d’essence s’affichent au creux de deux buses rondes qui, la nuit, sont des mini tunnels orangés. Dans leur prolongement latéral, une fusée de plastique noir court jusqu’à la vitre du passager. Y sont greffés une radio qui diffuse les dernières dernières nouvelles du monde et un vide poche dont dépasse une feuille arrachée à un agenda. Juste derrière le volant, le siège du conducteur lui permet une installation confortable et une vue imprenable, à travers une baie vitrée, au delà du capot, sur des colonies de bulles montées sur pneumatiques, toutes semblables à son propre habitacle

Composition

Vitrine en transit, vitrine en transat. Au dessus d’un synthétiseur, fiérot et désuet, plane un parapluie défraîchi. Adossé à l’instrument, un aspirateur vintage digère sa poussière du jour en sirotant un verre. Un musicien fantasque, ferreux, de tiges filetées et de boulons, attend son heure de gloire. Un contre-jour opacifie juste ce qu’il faut cette bulle de savon,

A propos de Elisabeth Saint-Michel

C'est ma quatrième ( cinquième?) participation aux ateliers proposés par François Bon. Je trouve cela particulièrement énergisant. J'anime moi-même des ateliers d'écriture à Villeneuve d'Ascq (Hauts de France) au sein de l'association Filigrane. Je suis aussi enseignante auprès de jeunes enfants porteurs de handicap. Côté écriture personnelle, j'ai publié deux romans et deux recueils de nouvelles dont le dernier, "disparaître ici" est sorti en mars 2021.

Les commentaires sont désactivés.