Tergiversation intérieure

ELLE se tient toujours au bord, toujours dans l’entre-deux, entre deux portes, entre deux zones,entre deux eaux, à la marge, jamais vraiment à sa place, ne sachant où poser les yeux, comment se tenir, le CORPS dressé dans l’entrebâillement, pas tout-à-fait dehors ni tout-à-fait dedans, penché d’un côté puis de l’autre, tenter de disparaître dans cet espace interstitiel, sur la bordure, le fil, la limite, devenir invisible, ELLE ne sait pas si elle a chaud ou froid, ni parfaitement ancrée au sol ni perchée tout là-haut, simplement flottante, entre ciel et terre, le CORPS immobile et indécis, au seuil du précipice, vacillement imperceptible, regarde en bas, regarde en l’air, frissonne à peine, sensation vertigineuse, tout autour d’ELLE des JE qui n’en peuvent plus de tenter de l’aspirer à moins que ce ne soit de l’expulser, flottante et chancelante encore, partir ou bien rester, tenir bon ou lâcher prise, jeter les mots à l’eau ou les garder au sec, inutiles, insipides, à l’intérieur, poursuivre ou tout abandonner, laisser tomber, rechercher sans cesse l’être laissée tombée, son CORPS qui se balance dans la faille, qui oscille entre JE et ELLE, entre oser ou retenir, plonger, faire le grand saut ou se maintenir dans l’inertie, espérer une reconnaissance, être enfin quelqu’un pour quelqu’un d’autre, prendre des risques ou mourir tranquille à petit feu, d’inanition, hésiter même sur le choix de sa mort, ne savoir par où commencer à moins que ce ne soit comment finir…

A propos de Chrystel Courbassier

Après avoir passé une partie de ma vie à Montpellier, j'habite à présent, et depuis 15 ans déjà, dans le petit département de la Lozère, sur le Causse, au milieu des moutons et des mouches. Je m'occupe de mes trois loulous et de ceux des autres au sein de mon activité professionnelle en pédopsychiatrie. Et quand il me reste un peu de temps, c'est au travers de l'écriture que je prends soin de moi (écrits autobiographiques, poésie, fictions). Je partage l'aventure de l'écriture avec quelques ami(e)s inscrit(e)s depuis longtemps comme moi aux Ateliers du déluge. Mardis soirs, week-ends, à la bibliothèque, chez l'une ou bien chez l'autre, en plein été ou sous la neige, de visu, par skype ou téléphone, nous partageons ensemble la même passion des mots et des histoires. Participer aux ateliers de FB depuis l'été 2018 se situe dans la continuité de cette démarche, pour aller toujours plus haut, toujours plus loin !

5 commentaires à propos de “Tergiversation intérieure”

  1. L’oscillation, le vacillement, le vertige, ces entre-deux, ces questionnements nichés dans ces espaces intersticiels et incertains, que de résonnances… J’ai beaucoup aimé ! Merci à vous, Chrystel !

  2. Belle évocation du « devenir-imperceptible », sur la ligne de crête dangereuse et puissante entre ses ELLE et ses JE !

  3. Je et elle écrivent ? Merci Chrystel Courbassier pour ce très beau texte funambule. Balancement et art du contrepoids recèlent en effet bien des finesses.