Time is money

Un carrefour. Une intersection. Une avenue coupée par cinq rues, trois d’un côté arrivant à angle droit, deux de l’autre côté à angle aigu, formant une sorte d’étoile irrégulière à sept branches. Au centre, en hauteur, un feu rouge, trois couleurs, quatre faces. Et plus haut encore, en périphérie, en bordure d’un accotement, flottant dans l’air, surmontant la circulation, un cadran géant à deux faces, une horloge. Géante, ronde. Cadran blanc, parcouru d’aiguilles fines et noires, pattes d’araignée tournant inlassablement autour du centre. Elle domine le paysage, l’horloge de ville ou de gare, plantée sur un mât en oblique, à la manière d’un drapeau qu’on baisserait pour un salut, mais fixée, immobile. Les cadrans sont visibles de l’avenue, d’un côté comme de l’autre, lisibles de loin. Mais rien pour les rues perpendiculaires vers lesquelles l’horloge ne présente que des bords métalliques aveugles. Sur le bord du trottoir, sous l’horloge, un abribus, cube en verre, point de rassemblement et d’attente. Un banc en métal, des affiches, un plan de ville parcouru d’itinéraires rouges, bleues et noires. A côté, un poteau muni d’un double panneau annonçant les horaires de passage aller et retour, les rendez-vous pour cet arrêt précis, ligne par ligne, minute par minute, heure par heure. Et selon l’heure, une, deux ou dix personnes, en groupes agglutinés à l’heure de pointe, debout immobile ou assis droit sur le banc ou au contraire déambulant pour tuer le temps d’attente, balançant d’un pied à l’autre, piétinant le sol en ciment, piaffant ou stoïque, levant la tête fréquemment, nuque désarticulée en arrière, regard sur le cadran pour constater l’heure et les minutes, le temps qui passe ou qui ne passe que trop lentement, évaluant le temps d’attente qui reste. Comparant aussi l’heure sur le poignet ou sur le smartphone et levant la tête en se tordant le cou pour vérifier si l’heure est bien l’heure. Les aiguilles arachnéennes tournent et tournent sans tenir compte des regards impatients, des soupirs pleins de désillusions, des échanges de mots parfois véhéments, sans égards pour les retardataires courant sur l’avenue, grillant le feu orange ou rouge pour attraper le bus qui arrive qui s’arrête qui repart, l’heure, c’est l’heure.

A propos de Monika Espinasse

Originaire de Vienne en Autriche. Vit en Lozère. A réalisé des traductions. Aime la poésie, les nouvelles, les romans, même les romans policiers. Ecrit depuis longtemps dans le cadre des Ateliers du déluge. Est devenue accro aux ateliers de François Bon. A publié quelques nouvelles et poèmes, un manuscrit attend dans un tiroir. Aime jouer avec les mots, leur musique et l'esprit singulier de la langue française. Depuis peu, une envie de peindre, en particulier la technique des pastels. Récits de voyages pour retenir le temps. A découvert les potentiels du net depuis peu et essaie d’approfondir au fur et à mesure.

2 commentaires à propos de “Time is money”

    • Je rattrape mon retard de lecture à l’envers, merci pour ta lecture et ta réflexion…à bientôt!