transversales #02 | Voyageur de l’intérieur

Jean-Paul Riopelle

Un voyageur de l’intérieur se déplaçant se métamorphosant se multipliant sans se perdre déclare

Ce qui pourrait surgir là maintenant cette ville extraordinaire hors du temps complexe et chaotique mais sans nul doute ordonnée à l’image du cosmos. Ville toile d’araignée au-dessus du vide, d’un abîme où s’agripper aux mailles d’un filet où tout est pendu en dessous échelles hamacs maisons en forme de sacs téléphériques où les habitants jouent au jeu des essais-erreurs pour éprouver la résistance du filet. Leur survie en dépend.

Ce qui pourrait surgir là maintenant ces deux visages distincts puis fusionnés. Jeu de frontières flottantes, de folie, de non-distinction entre la fiction et la réalité.

Ce qui pourrait surgir là maintenant c’est ce jeune homme étrange solitaire qu’une femme regarde tous les jours de sa fenêtre et dont elle vient de découvrir la photo dans le journal. Histoire troublante d’un mal aimé.

Ce qui pourrait surgir là maintenant cette renoncule adulte qu’un gros homme a assassinée du bout de sa canne lors d’une marche en forêt altérant ainsi tout son propre équilibre. L’agonie hystérique de la fleur lui donne la nausée. Les arbres lui font obstacle écorchent son front. La dédommager en lui créant un compte en disposant une assiette à sa table en lui vouant une sorte de culte en déplorant qu’elle ne participe plus de la beauté du monde en envisageant le suicide en s’opposant à elle en l’insultant puis en prenant conscience qu’elle est désormais une partie de lui-même. Déterrer ensuite une autre renoncule la fille de la première peut-être, la transplanter et la faire vivre chez lui, expier sa faute et trouver un calme apparent jusqu’à l’accident provoqué par la gouvernante chute malencontreuse du pot de fleurs jeté ensuite dans le fumier. Explosion de contentement, libération de l’enfermement. Rire alors retourner en forêt disparaître à son tour à tout jamais.

Ce qui pourrait surgir là maintenant cette maison déroutante, à tiroirs, à inquiétudes, à traits d’humour renvoyant à toutes les maisons appartements occupés au cours d’une vie. Image d’une condensation énigmatique de dérives de contraintes de circonstances subies de chaos. Juxtaposition entrelacement d’histoires. Repousser les limites de l’interprétation et les limites du lecteur embarqué dans une aventure singulière. Au service du récit un jeu de polices, de typographies multiples et de mise en page déroutante.

Ce qui pourrait surgir là maintenant le drame d’un jeune homme beau intelligent équilibré retrouvé mort au bas de l’escalier de son domicile, suicide accident ou meurtre. On ne sait pas.

Ce qui pourrait surgir là maintenant c’est ce musicien italien étrange qui disait être né il y a 2500 ans en Mésopotamie et qui nous précipite dans le son corps et âme.

A propos de Huguette Albernhe

Plusieurs années dans l'enseignement et la recherche. Passion pour l'histoire de l'écriture, la littérature . Ai rejoint l'atelier de FB en juin 2018, je reste sur la barque. Je vis actuellement à Nice mais reste très attachée à ma région d'origine, l'Étang de Thau, Sète, Montpellier et les Cévennes.

2 commentaires à propos de “transversales #02 | Voyageur de l’intérieur”

  1. je reviens lire tes pistes d’histoire et je redécouvre — je ne l’avais pas bien ciblée ! — la femme à sa fenêtre qui observe « l’homme d’en face » et j’en suis toute troublée…
    quelque chose de mes livres est donc rentré dans ta mémoire et a intégré le rayon de tes récits étranges…

  2. je ne sais ce qui s’est passé mais j’ai du republier ce texte qui avait disparu ainsi que ses commentaires. Dommage.
    Du coup en voilà un nouveau, le tien.
    Oui ton livre L’Homme d’en face a inspiré une de mes compressions, encore une histoire de jeune homme un peu perdu
    merci Françoise de ton écho