transversales #03 | expansion de la fête- étape 3.

Ami lecteur je te conseille de lire l’étape 1 avant de lire l’étape 2, et bien sur de lire l’étape 2 avant la 3, tu auras peut-être l’impression que je me moque de toi, ce n’est pas le cas, tu dois faire ta part du chemin, j’essaie de faire la mienne, aides-moi.

Il aime sa femme, sa reine, plus que tout , il n'a jamais compris pourquoi elle était avec lui, ce soir c'est son anniversaire.Une fête est organisée, sa fille prépare une surprise chez la voisine. Mais la reine a des secrets, et des fantômes de son passé vont s'inviter à la fête

Début de récit:

Ils attendent dans une voiture, feux éteints, entourés de neige, ils observent la maison en contrebas, elle est éclairée dans la nuit par quelques guirlandes colorées. Ils sont trois, quand ils respirent de la fumée qui sort de leurs naseaux et de leurs gueules. Le plus ancien donne un signal. Ils sortent de la 405 noire, la fête va commencer. Ils commencent à descendre vers la maison, la neige arrive à leurs genoux, mouillant leurs pantalons. Ils pressent le pas, le seul bruit qui les accompagne est celui de la neige comprimée sous leurs poids. Le plus jeune s’arrête, le fou, il regarde en arrière, il voit leurs empreintes, il sourit, il a envie d’hurler à la lune. Dans la maison …

Les rosiers étaient en fleurs, les lupins aussi, je crois que les œillets d’inde étaient là, le soleil, j’en suis sûr.

"Et si " ce soir-là, les fantômes du passé de cet homme aussi revenaient, et ceux de la voisine, et ceux de sa fille. Si ce soir-là, tous les fantômes revenaient, comment se déroulerait cet anniversaire, la petite fille enregistre le présent avec son téléphone. C'est quoi le présent?

Camille aime regarder Adèle peindre, elle s’assoit sur un tabouret à quelques mètres derrière elle. Elle aime l’odeur de l’huile de térébenthine . Quelque fois elle voit les visages des tableaux s’animer, Adèle lui dit que ce sont les effets de la vapeur du Trichlo qu’elle utilise pour nettoyer ses pinceaux. Pourtant elle en est sûr, l’un des personnage peint, un soir a essayé de l’attraper par la manche, elle avait l’empreinte en peinture bleu de ses doigts sur son chemisier. Adèle ne l’a pas cru, sa mère non plus, son père a hésité, il allait lui répondre quelque chose mais il s’est retenu, alors il lui a sourit.

Il lance l’application, il cherche le numéro de Camille, il ya six heures d’enregistrement. Il appuie sur play. Elle vient de se réveiller, on la voit dans le miroir de la salle de bain, elle sourit à l’œil. Il l’a trouve belle.

Je ne vois plus que quelques visages, les autres ont disparu. Pourquoi on ne se souvient pas de tous les visages que l’on a vu, pourquoi j’ai oublié ceux-là? Mais ceux que je vois sont bien présents en moi, même si.

J'oubliais, la voisine est peintre, elle peint des portraits, quand on lui demande qui sont ces personnes sur ses tableaux, elle répond toujours la même chose, "je ne sais pas, mais je les connais". Est-ce qu'on peut mettre un nom sur tous les visages que l'on a dans sa mémoire,est-ce qu'on envie de se rappeler? L'art, est-ce que ce n'est pas se créer un monde acceptable, fictionnel et compréhensible?

Cela fait des années qu’elle n’osait pas se lancer dans ce portrait, elle faisait des esquisses, des études en petit format, mais tout était sans danger, on devinait la silhouette d’un homme en uniforme, assis sur un canapé, un verre à la main, il riait, quelque chose était posé sur une table basse devant lui, une petite masse sombre, quelque chose d’indéfini. Mais à chaque fois qu’elle arrivait à cet objet, sa main tremblait, et pendant plusieurs jours elle ne peignait plus. Aujourd’hui, elle a réussi à voir l’objet sur la table basse, elle a demandé à Camille de le peindre, elle est restée plusieurs minutes à l’observer pour comprendre ce que l’enfant en suivant ses indications avait fait. Cela n’avait pas de sens, au centre de la masse brune il y avait deux yeux bleus.

Tout acte de création est d’abord un acte de destruction. Picasso a dit ça Camille. /Pourquoi tu me dis ça?/ Il faut brûler ce tableau./ Pourquoi, j’ai mal fait./ Non, tu n’y pour rien, il faut le brûler/ Arrête mamie, il est beau. / Tu vas m’aider, tu verras on en fera d’autres/ Tu devrais te reposer mamie/ Tu ne le filmes pas. Tu m’entends, arrête, donne moi ce téléphone. Camille revient. Revient tout de suite!/ Camille part en courant . Adèle prend le tableau, elle le met de la grande cheminée qui est à l’autre bout de la pièce. Elle l’asperge de White Spirit et le regarde flamber, l’homme en uniforme disparaît, les pieds de la table basse et le sol, et comme si cette partie-là du tableau résistait les deux yeux bleus la fixent. Adèle ne peut supporter ce regard, elle sort de la pièce.

La tragédie a commencé, les acteurs sont réunis, ils attendent le cœur battant. Je les regarde, j’ai peur pour eux, cette tragédie il ne l’a joueront qu’une fois, ils vont vers le destin sans trêve possible, quoiqu’il arrive ce soir il y aura des vainqueurs et des vaincus.

Vous comprenez toujours ce qui vous entoure, il n'y a pas d'ombres qui se déplacent dans les angles noirs?

Il s’occupait des vaches le matin vers cinq heures. L’hiver, entrer dans l’étable, sentir cette chaleur, cette odeur, il ne pouvait pas le dire à sa reine, mais c’était pour lui, l’endroit où il se sentait le mieux sur cette terre. Il commençait par la traite, puis il nettoyait la litière, il chargeait la brouette, il faisait des allers retours de l’étable au tas derrière la grange. Depuis quelque temps, c’était certainement lié à ses nouvelles lunettes, il voyait des ombres en mouvements qui rampaient sur les murs. Il avait un coup au cœur à chaque apparition, il n’osait pas en parler à sa femme, elle se serait moqué de lui.

Lui aussi maintenant voyait des choses, des mouvements. A force de les chercher dans les vidéos il devait les imaginer. Autrement cela voudrait dire, que si on pense à une horreur on sent au fond de nous la peur, et que cette peur donnerait vie à cette horreur. C’est une ineptie de penser ça, les horribles choses sont déjà là, on ne les voit pas c’est tout.

Il y a le visage de ce jour là avec son sourire et il y a le visage de ce jour là avec son sourire. Les sourires appellent les sourires et quelquefois les larmes, pourquoi?

Certains peuples primitifs, pensent qu'on vole leurs âmes en les photographiant, et quand on peint un portrait, on vole quoi?

Aux beaux-arts, elle avait eu un professeur de dessin qui l’avait marqué, elle pensait à lui souvent, monsieur Dubois. Le premier cour, il avait dessiné à main levé, à la craie sur le tableau noir, le portrait d’un vieil homme, Michel-Ange n’aurait pas mieux fait. Elle ne comprenait pas comment quelqu’un qui dessinait comme ça pouvait être un simple professeur. Un jour elle lui a posé la question, il a une réponse bizarre, il lui a dit: pour être artiste, il faut brûler tout ce qu’on peut et j’ai choisi la vie. Aujourd’hui quand elle revoit son passé, elle sait qu’elle n’a pas vécu. Elle est passée à côté des gens, elle a toujours refusé de se lier. Elle a soixante ans, elle est seule, enfin, il y a la famille de Jérôme, Camille, et Clara. Clara qu’elle n’aime pas.

Dans le pendentif se trouve une petite photo, elle jeune, si on prend une loupe on devine des montagnes en arrière plan. Seulement ça.

C’était un jour ensoleillé de juillet au milieu des années soixante-dix, vers le début du mois je crois. C’était la première fois que je voyais l’empereur. Je le pensais plus petit que ça. Il avait un short blanc, des cheveux bruns frisés, assez long. Il portait un haut de survêtement noir ou bleu foncé, je ne sais plus, aux pieds des chaussures noir d’où sortaient de grande chaussettes blanches. Il avait un regard fier presque menaçant. Le maigre était déjà auréolé de lumière.

Est-ce que les fantômes ont des fantômes qui les hantent?

Adèle buvait de plus en plus, cela commençait à avoir des conséquences sur ses tableaux, elle tremblait. Quelque fois elle demandait à Camille de peindre un détail. Elle savait qu’elle ne devait pas boire, elle avait déjà eu des crises, elles ne voulait plus revivre ces nuits hantées, se réveilles trempée de sueur, les yeux ouverts cherchant dans le noir une arme.

Ils sont devenus amis, à la mort du maigre, l’empereur a pleuré.

C’était toujours injuste, cela me blessait de le voir déçu. On rentrait tous les deux, avec cette défaite au travers de la gorge. C’était comme si nous étions maudit, nous, notre peuple, heureusement il y a eu quelques victoires.

Notre héros est agriculteur, mais il a une passion il est archéologue , cela lui est tombé dessus enfant, quand il a trouvé un os dans un champ qu'il labourait avec son père.La semaine dernière il a trouvé des os, il ne sait pas à quelle espèce ils appartiennent, il a demandé à son voisin , qui est vétérinaire de passer le voir quand il pourra. Depuis il est inquiet, il est comme suspendu. Est-ce qu'il veut vraiment connaître la réponse?

Tu crois que c’est quoi?/ Je ne sais pas. Je ne vois pas ce que ça peut être/ On dirait des os déformés, comme pliés. Mais on ne voit pas de trace de fracture/ Si un être avait des membres comme ça, comment il se déplaçait ?/ Il ressemblerait à une sorte de grande chauve souris./ Tu as trouvé des crânes./Non/ Je vais en prendre un je demanderais, à un ami qui travaille à Maison-Alfort de faire des analyses./ Ça fait trois corps?/ J’aurais dis ça moi aussi./ T’en as parlé à Clara?/ Non, à personne, c’est moche, j’ai pas envie qu’elle s’inquiète./ Et pourquoi t’appelles pas les gendarmes./ C’est pas à la minute vu l’état dans lequel ils sont. Rappelles-toi Jacky, quand il a trouvé les pièces romaines, trois mois ils ont bloqué son champ les archéologues, il a pas eu un centime de dédommagement. Ça vaut peut-être quelque chose ces trucs là? On a peut-être découvert une nouvelle espèce?/ Le troupeau ça va?/ Impeccable, elles chahutent beaucoup la nuit je trouve, il y a peut-être une bestiole qui traîne dans le coin./ Ils ont photographier trois loups qui couraient sur la nationale./ T’es sûr./ Non pas vraiment il neigeait, et il y avait comme un oiseau noir qui battait des ailes devant la caméra, l’image était mauvaises, ça ressemblait à des loups, mais c’était peut-être des chiens./ Oui, ça doit-être ça.

Il courait comme un cheval, il y avait dans ses mouvements quelque chose d’animal, un autre rythme, cette capacité à faire un écart n’importe quand. Il avait aussi cette manière de donner à l’autre, il faisait des miracles et il vous offrait. L’autre était un chef, un soldat, un guerrier, il pouvait mourir pour eux, mais il exigeait autant d’eux, il protégeait le groupe.

L'amour entre deux êtres, c'est une attirance réciproque de deux êtres vivants, mais les fantômes que chacun transporte dans ses bagages est-ce qu'ils s’apprécient aussi?

Clara ne lui parle jamais de son passé, c’est comme si elle était née le jour de leur rencontre. Il aimerait connaître ce passé, mais cela l’arrange, lui, il n’a pas à parler de son père. Il essaye d’oublier, même si la nuit c’est plus difficile; il fait encore des cauchemars, il se souvient des cris de son père, de l’alcool. Alors Clara garde ses fantômes, lui il garde les siens et quand il voit la lampe allumée chez Adèle à cinq heures du matin,elle peint déjà, il sait qu’elle fuit ses fantômes.

Il aimerait lui dire, il y pense seul au volant. Mais il sait que le petit fantôme qui fait partie de leur histoire l’ interdit. Il n’est pas de taille face à lui.

Je ne sais pas si ce jour-là a été l’occasion de leur première rencontre, je ne veux pas le savoir. Je préfère imaginer que ça été le cas. La rencontre de ces deux être, cet après-midi là, l’empereur tenant la main du maigre devant les hommes en noir.

La petite fille diffuse sur le web en temps réel ce qu'elle filme, elle a trouvé une application qui enregistre tout. Quelqu'un suit sur le net ces vidéos, avec avidité, que voit-il sur ces vidéos?

Il attendait que tout le monde soit couché pour aller voir ce site. Pourtant il ne faisait rien de mal, c’est ce qu’il se disait tous les soirs. Il voyait la vie de cette fillette avec ses yeux à elle. Elle filmait sa journée, elle sortait de l’école et la première chose qu’elle faisait c’était d’allumer la caméra de son téléphone. Le site qu’il visitait stockait sans limite de temps les vidéos envoyées. Alors le soir il la suivait du lever au coucher. Il avait commencé à faire ça en septembre. Chaque jour, il voyait des détails, qu’il n’avait pas vu avant, des choses qu’il ne comprenait pas vraiment. Il pensait voir dans le reflet d’une glace, une silhouette et quand la fillette se retournait il n’y avait personne, sa connexion n’était pas très bonne, cela devait en être la raison. Il pouvait la regarder jouer à la poupée, il riait quand elle riait, il pleurait quand elle pleurait. Il n’osait pas en parler à sa femme, elle n’aurait peut-être pas compris, on ne peut pas tout dire.

Des héros antiques, ancestraux, ceux pour lesquels on emploie des mots comme : honneur, devoir, sacrifice, amour, c’était une rencontre avec des êtres de ce rang qui a eu lieu cet après-midi là.

Les lieux ont un passé, les êtres aussi, mais ou est il enregistré ce passé?

Elle aimait venir dans cette ancienne église. Elle ressemblait à celle de son village, celle qu’elle avait aperçue ce matin. Elle pensait l’avoir oublié. Maintenant elle se souvenait, dans ces murs, il y avait un écho, une résonance des prières qui reste, qui rentre dans la pierre.

Cette foule qui les regardait, cette clameur que l’on entendait, le monde les épiait. Cette vibration, ce souffle d’air fait par toutes ces bouches criantes, ce souffle a dû faire vibrer des planètes jusqu’au fin fond du cosmos. Près de planètes lointaines ce souffle laisse sa trace, remuant des poussières de surface.

La reine écrit un journal intime, elle avait inventé un code, elle s'amuse quelquefois à narguer son mari," tu veux savoir ce que je pense; tiens, lis mon journal", on croit connaitre les gens, on les juge sur les premières fois où on les a rencontrés, ces moments où chacun s'est un peu dévoiler, puis on garde d'eux cette image, mais elle n'est que partielle, ils vous ont montré que ce qu'ils ont voulu, vous ne croyez pas? Vous pensez connaître vos proches?

Clara Meunier, elle avait eu ses nouveaux papiers deux ans avant d’emménager au hameau. Elle avait choisi Meunier, à cause de la chanson que sa mère lui avait apprise. Elle avait effacé son ancien nom, celui que les français ne savent pas prononcer, celui qui vient de l’est. Celui qui vient des montagnes, du froid, et de la vie difficile.

Il faudrait prendre le temps de présenter nos morts à nos enfants.

Dans chacun nous il y a une victime et un bourreau, mais est-ce que je ne devrais pas écrire, dans chacun de nous il y a une victime et un bourreau?

C’était le plus beau cadeaux qu’elle avait eu. Son père s’était fâché quand Adèle lui avait offert, Clara n’avait rien dit, ce qui voulait dire que cela ne la dérangeait pas. Adèle lui avait demandé une pièce, elle n’avait pas compris, Adèle lui avait dit, offre moi une petite pièce et tu auras un cadeau. Elle était allée dans sa chambre, elle avait pris dans sa tirelire, une petite pièce, elle était redescendu en courant puis elle avait donné la pièce à Adèle. Adèle lui avait tendu un paquet. Elle l’avait ouvert vite, dedans il y avait un couteau de dix centimètres de long, avec sa lame repliée dans un beau manche en ivoire rose. Elle a déplié la lame, au- dessus était gravé une vision de l’enfer de Dante, on y voyait un lion, une panthère et un loup. Elle a touché le tranchant, elle s’est coupée, il coupait comme un rasoir lui a dit Adèle. Elle le met dans son cartable, elle sait qu’elle n’a pas le droit, mais elle aime le savoir là, tout près. Elle pense souvent au petit Mathieu, le soleil, il était là seul à jouer dans son jardin, il souriait avec sa tête bizarre, sa maladie mentale. Elle y pense souvent.

Ses champs, ses bois, il était fier d’utiliser ces possessifs. Il connaissait chaque parcelle, chaque trous de chemin. Les os il les avait trouvés dans le petit bois, celui que son père ne nettoyait jamais, celui que les ronces protégeaient depuis un temps ancien. Il ne se serait jamais risqué a y aller si il n’avait pas connu Clara. Ses failles, elle ne les connaissait pas. Il se demandait de temps en temps si elle en avait.

La fin est arrivée, la joie excessive des vainqueurs était une blessure supplémentaire pour leurs victimes, l’empereur à gagné devant son peuple.

Elle l'a choisi lui, pourquoi, elle a choisi la victime ou le bourreau?

Elle dort, il peut la regarder dormir jusqu’au moment où ses yeux se ferment. Toutes les nuits, il la regarde, éclairée par la lumière qui vient de la porte de la salle de bains qu’il laisse entrouverte. La première nuit, pour eux deux c’était une évidence, ils ne pouvaient pas dormir dans le noir complet. Elle a deux cicatrices aux poignet, deux lignes, il les suit des fois avec ses doigts, elle se retourne assez vite, elle râle.

Le meilleur moyen pour être innocent, c'est peut-être d'oublier?

Camille détestait la fête des grand-mères jusqu’au jour où sa mère lui a dit, écoute si Adèle est d’accord on va lui demander d’être ta grand-mère de cœur. Adèle a tout de suite dit oui, elle était fière. Elle a toujours aimé Camille, sa force, sa vitalité, sa blancheur.

On ne se souvient des gens que dans un présent passé. Ils sont avec nous, on les revoit à ce moment précis. Dans ce passé et dans ce souvenir, innocemment, ils n’ont pas de fantôme avec eux, on les a oubliés. Mais maintenant que le cercueil s’entre bâille, on sait qu’à ce moment-là, il avait un fantôme sur les genoux et deux autres qui s’accrochaient à chacune de ses jambes, maintenant .

Quand on suit la trace d'un animal, peut-on imaginer que l'on est le gibier?

“Regarde la, elle profite de la nourriture française cette truie. Gave -toi. Bientôt on va te vider comme un poisson.” Ils l’observent depuis une demi-heure. La 405 avait des vitres fumées, ça avait quelques avantages. Elle buvait un thé, en mangeant des biscuits à l’intérieur d’un café branché du centre ville. De temps en temps, d’autres femmes, habillées avec élégance, la saluaient. Elles échangeaient un sourire, quelques mots, un échange poli entre petites bourgeoises de province. Le jeune, n’ a pu se retenir, il a hurlé dans la voiture: Salope ! L’ancien lui a demandé de se calmer, il lui a dit qu’il ferait ce qu’il faut au bon moment, en entendant cela l’autre, le taiseux a souri, lui aussi il avait son idée.

Les gens normaux ne croient pas au magnétisme, ni au spiritisme, mais pourtant ils utilisent des boussoles et lisent leurs horoscope, et quand ils sont seuls, dans un recoin de leur boîte crânienne ils parlent à leurs morts et vous?

Allô/ Salut/ Dis donc c’est quoi l’os que tu m’as envoyé?/ Je ne sais pas c’est pour ça que je te l’ai envoyé/ T’as pas lu mon mail?/ Non/ Lis-le et rappelle-moi, je ne trouve ça pas drôle./ Il a raccroché.

L'amour, est-ce que ce n'est pas la rencontre de deux menteurs?

Tu viens d’où ?/ De Suisse/ C’est pour ça l’accent?/ Oui, je suis du côté roman./ Moi je suis d’ici, j’ai jamais voyagé; Je peux pas avec les bêtes./ La ferme est à tes parents?/ Oui, mais ils sont morts, mon père m’a tout laissé./ C’est bien d’avoir des parents qui pensent à toit./ Oui./ Et toi tes parents?/ Ils sont en Suisse, ils travaillent beaucoup.

Un canapé lit de velours vert, une table en bois tourné recouverte d’une toile cirée jaune ornée de fleurs bleus, ce vieux téléviseur noir, Nous, Beckenbauer et Cruyff, l’empereur et le maigre.

Quelle est la part d'animalité qui persiste en nous, est-ce qu'elle est intact depuis la nuit des temps, est-ce que la civilisation nous apprend à la cacher, ou est-ce qu'elle est atténuée de génération en génération, est-ce qu'elle est égale en chacun d'entre nous?

Etes vous un animal? Un ver, un tigre, un rat, pour un grand nombre d'entre nous on ne saura jamais la réponse; mais quelquefois on la connaît et on est surpris , pas vous ?

Cette bête, devant laquelle tu cries, ne laisse passer aucun homme là où elle se trouve, elle s’oppose même tellement à sa marche qu’elle finit par le tuer ; sa nature est si mauvaise et si perverse qu’elle ne satisfait jamais son désir insatiable, qu’après avoir dévoré, elle a plus faim qu’auparavant ». Enfer, chant I, 94-99 Dante

Il l’avait vu faire, maintenant il était son complice, il partageait quelque chose de rare: la culpabilité, deux animaux dangereux.

A propos de Laurent Stratos

J'écris. Voir en ligne histoire du tas de sable.