transversales #03 | pot-pourri de notes

J’ai compris la proposition, faire naître de mes notes des histoires ? Vous avez dit : des histoires ? Pas sur, tant pis, je fonce.

En tout premier, ce pourrait un travail surBukowski, foutue idée de m’être laissée aller à me délecter de sa crêpe au sirop d’érable !

Pourquoi ne pas démarrer avec son poème :

Alors vous voulez être écrivain ? (So you want to be a writer ?)

si cela ne sort pas de vous comme une explosion
en dépit de tout,
n’écrivez pas.
si cela ne vient pas sans sollicitation de
votre cœur et votre esprit et votre bouche
et vos tripes,
n’écrivez pas.
s’il vous faut vous asseoir des heures
à fixer votre écran d’ordinateur
ou plié en deux sur votre machine à écrire
à chercher les mots,
n’écrivez pas…

s’il vous faut rester assis là
réécrivant encore et encore,
n’écrivez pas.
si c’est déjà difficile rien que d’y penser,
n’écrivez pas.
si vous essayez d’imiter l’écriture de quelqu’un d’autre,
oubliez…

Bon dieu, à le lire, j’attends ce qu’il me dit, n’écris pas, le salaud, c’est tout lui, me décourager ainsi, et bien j’écrirai, juste pour ces plaisirs là, le contrarier, me confronter à mon écriture, c’est pas gagné, je démarre dans la difficulté !

À partir de : dans une jonque descendre le Mékong avec Marguerite :

Je descends le fleuve au bord d’un sampan. Le jour se lève sur le fleuve. Sur le riz. Sur les routes droites et blanches qui traversent l’immensité soyeuse du riz. Je suis accoudée au bastingage. À côté de moi, elle, l’enfant fardée, sous son chapeau d’homme, avec ses souliers de satin noir râpé. A côté de moi, elle, la femme usée, à la voix rauque, cassée par l’alcool. Elle me dit le fleuve, sa force tranquille qui peut devenir dévastatrice, ses rizières nourricières, son silence, la chaleur lourde de la mousson, l’enfance trahie. Elle me dit ce pays au ciel nu, et soudain la pluie qui cesse et se retire du ciel. La transparence qui la remplace, pure comme un ciel nu. Je suis dans le lieu où s’enracine son écriture, sa façon à elle de raconter une histoire, d’écrire et écrire encore son amant de la Chine du Nord. Dans ce pays natal où jamais elle n’est revenue… Je suis traversée par son amour si grand pour un pays, pour un fleuve, pour un homme, par le bonheur fou trouvé dans l’écriture et la douleur aussi… Des chants s’élèvent, des rires d’enfants. L’enfant, la femme disparaissent. Pluie sur le fleuve, ses rives s’estompent. Je ne sors pas indemne de cette rencontre.

Et de : Sur les traces de Stevenson, traverser encore une fois les Cévennes

Écrire un journal de voyage. Me souvenir de ma dernière rando, en juin 2020, entre deux confinements. La route des Menhirs ; dressés par les hommes, il y a 4000 ans. Pourquoi ? Le Cham des Bondons, deux mamelons, deux buttes étonnantes dans l’immensité du plateau ; c’est Gargantua qui les a formés en décrottant ses sabots. On dirait des seins de femmes. Un lien avec les menhirs-phallus ? Causse Méjean, lointains bleutés. Une ferme avec cet écriteau : Covid-19. Propriété privée. Une poubelle avec cette inscription : partout / si tu fais caca / ramasse / ton papier. Là je sens l’influence de Bukowski à me plaire dans ce genre de détails ! Le retour, arrêt brutal : un lézard campé en plein milieu de la route refuse de me céder passage. Dernier clin d’œil du pays cévenol… Partir en juin si… pas envie énumérer les si… Pourquoi pas, comme Stevenson, avec une ânesse qui ne s’appellerait pas Modestine.

Pourrais écrire un carnet de voyages, écrire mes rencontres improbables au long de mes voyages, ailleurs

J’aimerai écrire comme elle avec cruauté et drôlerie. Blanche Gardin, dans sa robe de satin bleu, robe de couventine, son attitude toute en réserve, on la dirait bien sous tous rapports. Je pourrais m’interroger sur mon entrée dans la vieillesse, je préfère dire dans la vieillerie, je serai la vieille qui rit, et je dirai des gros mots, je dirai ce qui me chante dans la tête, je ne serai pas une petite vieille respectable, et mon fils serait mortifié d’avoir une mère dérangeante. J’écrirai vertement un roman qui mettraient en scène les bons et les méchants, les justes et les assassins, les saints et les autres, tous les autres qui renâclent, hésitent, attendent.

Enfin l’idée me traverse, d’une réflexion sur les mots : paresse, flemme, mollesse, activité, épanouissement en prenant le temps de vivre. Et sur le mot utopie, c’est ce mot qui sous-tend le livre de Hadrien Klent qui nous décrit une France qui se remet en marche, mais pas comme certains le voudraient. Et quoi de l’utopie aujourd’hui, et quoi de celle à laquelle j’ai cru en 68 ?

Pour finir, je relirai À bout d’enfance de Patrick Chamoiseau. Ce livre, je l’adore, je réveillerai à le lire l’enfant toujours présent en moi. Et si je l’écrivais, l’enfance d’autrefois ?

l’enfant toujours là dans la vieille qui rit aujourd’hui.

!!!

2 commentaires à propos de “transversales #03 | pot-pourri de notes”

  1. quelle chance de passer un moment avec vous et avec Marguerite Duras en ce dimanche soir, aussi j’aimerais beaucoup lire le roman que vous écrirez « vertement », bon en attendant je vais me procurer À bout d’enfance de Patrick Chamoiseau que je n’ai toujours pas lu. Merci pour vos notes

  2. Comme ça s’articule bien ces présences de livres et le désir d’écrire. Pot-pourri pas si pourri. On sent que ça fermente , oui, que ça vit surtout.