#40jours #prologue | trouées

Un porche en pierre, un demi-cercle qui s’enfonce sous la rue, un effacement de la rue, un enfoncement à même le trottoir, la disparition de la ville dans ses propres dessous, une large ouverture en demi-cercle posée sur une ligne de pierre, plus claire car mieux éclairée, un seuil en plongée dans le noir du porche : un lavoir, et même le plus ancien lavoir, surface d’eau noire en bas de la volée de marches, au fond du porche enterré un bassin qui affleure, histoire du linge à rincer sorti des lessiveuses, porté depuis les cours, des monceaux de linge descendus le long de l’escalier en pente abrupte jusqu’à l’eau propre, porté à bras dans des seaux de bois, un lavoir au fond d’un trou, à la limite extérieure des remparts, là où toujours l’eau sourdait. 

Un trou dans l’herbe, quelques fleurs et l’herbe autour d’un trou, une manière de trou, une inclinaison dans le sol à peine masqué d’herbe plus épaisse, la forêt ou plutôt une ligne de tronc et quelques roches, mais surtout la zone sombre dans l’herbe, la manière herbeuse du trou : longtemps les glacières du Jura continuent à servir, les blocs de glace acheminés au gros de l’hiver sont vendu aux familles riches et aux commerçants jusqu’au creux de l’été. 

Une couleur ocre jaune affadie de beige, une excavation emplie de boue liquide, tout autour un alignement serré de poutres de métal plantées verticalement dont seuls quelques mètres dépassent, un engin au bras rouge sur le point de lâcher son poids au fond du prochain emplacement : dans l’espace creusé, séparé de la large rivière par un muret ancien, un bateau en bois fossilisé de plus de deux mille ans vient d’être trouvé, le chantier du parking s’interrompt. 

Une lourde porte en bois plein, bien entretenue, au bouton de cuivre brillant, au-dessus du linteau de pierre claire, une ouverture vitrée barrée d’une ferronnerie, volutes, fleurs et griffons : après la traversée de cours, de couloirs, de portes en bois simple qu’on pousse sur une suite de passages entre ombre et lumière, au fond d’un étroit boyau éclairé de lanternes faussement anciennes, une autre porte cossue s’ouvre une rue plus haut. 

A propos de Catherine Serre

CATHERINE SERRE – écrit depuis longtemps et n'importe où, des mots au son et à la vidéo, une langue rythmée et imprégnée du sonore, tentative de vivre dans ce monde désarticulé, elle publie régulièrement en revue papier et web, les lit et les remercie d'exister, réalise des poèmactions aussi souvent que nécessaire, des expoèmes alliant art visuel et mots, pour Fiestival Maelström, lance Entremet, chronique vidéo pour Faim ! festival de poésie en ligne. BLog : (en recreation - de retour en janvier ) Youtube : https://www.youtube.com/channel/UCZe5OM9jhVEKLYJd4cQqbxQ

4 commentaires à propos de “#40jours #prologue | trouées”

  1. « la disparition de la ville dans ses propres dessous » et l’indication lavoir linge ouvre d’autres images dans: dessous
    « la manière herbeuse du trou  » pour un creux de glace
    Et chantier au bras rouge et passage en ombres et lumière … On y va on voit Merci

  2. Envie de connaître le fin mot de chaque mystère minutieusement décrit pour le faire voir sans en dire trop, et la surprise au bout de la ligne, merci Catherine !