#40jours #prologue | retour amont comme les saumons

Voix d’encre

quand je l’ai revue

ma VILLE natale.

ELLE ne m’a pas reconnue.

je lui ai souri avec indulgence.

NÎMES, ma Gardoise

je l’ai gardée

sur mes papiers

d’identité

Tu veux que je t’en dise un peu plus ?

  • Oui, parce que si tu commences à faire ton elliptique genre poète-qui-passe -à -la -ligne ça ne va pas le faire…La consigne c’est la consigne !
  • On n’entre pourtant pas dans l’écriture ou dans la vie des gens même en fiction, avec un pied de biche non plus, si ?
  • Annie Ernaux , l’a fait, je sais que lorsque tu as lu son premier livre,tu as été choqué…
  • Oui, je n’aimais pas son style, sec et vidé d’affect comme si entre les pages elle avait essoré toutes ses larmes avec du papier absorbant. Mais je ne lui en veux plus. C’est la femme qu’elle est devenue qui m’intéresse et ses derniers romans me touchent davantage, vraiment !
  • C’est quoi une belle écriture pour toi ?
  • C’est quand « c’est bien dit », la grande obsession de Marguerite Duras ! … Peu importe la forme du texte et le ton, enjoué ou plus académique. L’érudition ne me gêne pas si elle n’encombre pas l’espace et n’écrase pas les gens. Elle est utile pour synthétiser les idées, les discriminer, les comparer d’une époque à l’autre,mais c’est du boulot de Titan ou de rat de bibliothèque…Faut supporter la poussière… Ils sont pas foule…
  • Tu penses que les autres gens lisent encore ? Ils ont tous des ordis chez les jeunes et des tablettes à manettes pour s’exciter le pistil…
  • Tu exagères, les gens lisent, il n’y a qu’à voir les files d’attente devant les robots d’enregistrement des bouquins avec code barre.Surtout les mercredi et les samedi. On leur sort un ticket qui récapitule tout ce qu’ils ont emprunté. Parfois ils les rendent sans les avoir lus. Il y en a qui en empruntent des piles qui tombent par terre…
  • C’est çà, comme tout le reste… On lit comme on consomme… On se remplit et on ne réfléchit plus trop…
  • Avec tes « On » tu mettrais tout le monde dans le même sac. Ce n’est pas comme cela qu’il faut voir les choses. Il y a une évolution, c’est forcé ! Depuis Gutenberg et tiens … même les scribes, avec leurs tables d’argile, ils en ont gaspillé des alphabets… et je ne parle même pas de tous les brouillons qu’il leur a fallu faire…
  • Avec le traitement de texte, on est plus pénards…ça corrige les fautes d’orthographe et même de syntaxe… maintenant l’ordi fait des suggestions, et tape des mots tout prêts, à ta place, des synonymes ,après tu cliques… Tu as parfois l’impression que quelqu’un écrit ou lit directement par dessus ton épaule…C’est désagréable…Mais au bout d’un moment tu t’en fous… Dans les messageries plus rien n’est au secret pour le bigbrother et ses logarithmes… Avec des un et des zéro, ils encodent toute ta boutique, et ils la revendent même… c’est un peu flippant…
  • Oui,il faudrait revenir aux bons vieux cahiers manuscrits que l’on cache sous des draps ou dans des boites métalliques , à l’abri des regards. J’ai toujours aimé les histoires des manuscrits perdus et retrouvés après la mort des écrivains…
  • Maintenant, ce ne sera plus possible, tout est numérisé ou pas loin… La dématérialisation c’est un peu comme les cendres d’une crémation, ça devient illisible si on a pas les codes d’accès. Tu as vu cette folie des mots de passe ?
  • Ouais, c’est Kafkaïen... et je ne le dis pas pour rien. Certains vieux ne peuvent plus remplir tout seuls leur formulaire d’imposition, ils sont largués et on le leur fait bien sentir. Bientôt, on ponctionnera dans leurs épargnes pour créer une taxe assistance à la vie civique numérique, non remboursée par la sécurité sociale.
  • On ne sait pas où on va , mais on y va…
  • Où ?
  • Au workshop d’un atelier d’écriture numérique où il y a des gens sympas que je ne connais pas.
  • Ah bon ? Tu entres comme dans un moulin pour moudre de l’écriture avec des inconnu.e.s ?
  • C’est mieux que de se mettre à boire en racontant sa vie au bistrot ou aux pigeons…
  • « Ecouter l’autre c’est le faire exister » a écrit Charles Juliet, tu connais ?
  • Non, mais si tu dis que c’est bien, j’irai jeter un coup d’oeil… ça sert à çà un atelier d’écriture tu crois ? Qu’est-ce que tu lis en ce moment ?
  • Jeanne Benameur, La patience des traces… C’est passionnant… Je te raconterai…

A propos de Marie-Thérèse Peyrin

L'entame des jours, est un chantier d'écriture que je mène depuis de nombreuses années. Je n'avais au départ aucune idée préconçue de la forme littéraire que je souhaitais lui donner : poésie ou prose, journal, récit ou roman... Je me suis mise à écrire au fil des mois sur plusieurs supports numériques ou papier. J'ai inclus, dans mes travaux la mise en place du blog de La Cause des Causeuses dès 2007, mais j'ai fréquenté internet et ses premiers forums de discussion en ligne dès fin 2004. J'avais l'intuition que le numérique et l 'écriture sur clavier allaient m'encourager à perfectionner ma pratique et m'ouvrir à des rencontres décisives. Je n'ai pas été déçue, et si je suis plus sélective avec les années, je garde le goût des découvertes inattendues et des promesses qu'elles recèlent encore. J'ai commencé à écrire alors que j'exerçais encore mon activité professionnelle à l'hôpital psy. dans une fonction d'encadrement infirmier, qui me pesait mais me passionnait autant que la lecture et la fréquentation d'oeuvres dont celle de Charles JULIET qui a sans doute déterminé le déclic de ma persévérance. Persévérance sans ambition aucune, mon sentiment étant qu'il ne faut pas "vouloir", le "vouloir pour pouvoir"... Ecrire pour se faire une place au soleil ou sous les projecteurs n'est pas mon propos. J'ai l'humilité d'affirmer que ne pas consacrer tout son temps à l'écriture, et seulement au moment de la retraite, est la marque d'une trajectoire d'écrivain.e ou de poète(sse) passablement tronquée. Je ne regrette rien. Ecrire est un métier, un "artisanat" disent certains, et j'aime observer autour de moi ceux et celles qui s'y consacrent, même à retardement. Ecrire c'est libérer du sentiment et des pensées embusqués, c'est permettre au corps de trouver ses mots et sa voix singulière. On ne le fait pas uniquement pour soi, on laisse venir les autres pour donner la réplique, à la manière des tremblements de "taire"... Soulever l'écorce ne me fait pas peur dans ce contexte. Ecrire ,c'est chercher comment le faire encore mieux... L'entame des jours, c'est le sentiment profond que ce qui est entamé ne peut pas être recommencé, il faut aller au bout du festin avec gourmandise et modération. Savourer le jour présent est un vieil adage, et il n'est pas sans fondement.

6 commentaires à propos de “#40jours #prologue | retour amont comme les saumons”

    • Désolée ! Il ya tellement de consignes que je m’y perds. Il y a eu des plaintes ? J’essaie de caler ma voix dans ce chantier avec les moyens dont je dispose. Cette introduction attend la consigne du 11/06 et j’essaierai de mieux converger. Promis !

  1. Merci Marie-Thérése Perrin d’aller librement : le dialogue est là. Il s’entend. Et souvent encore mieux quand il prend des chemins non balisés, des sentes, des traverses. Nous savons bien que pour voir les villes il faut sortir des autoroutes.

    • Merci Ugo pour cet avis encourageant. Ne sachant pas trop où je mets les pieds et redoutant passablement de me perdre dans les consignes, je tiens une ligne de crête à vue dans le brouillard.Je suis obligée de partir de là où j’en suis et j’ai du mal à me situer par rapport aux habitué.e.s des Ateliers. Je perçois des connivences mais peu d’interactivités directes sur les résultats des propositions. C’est comme si on marchait sur des oeufs concernant les appréciations sur les textes des autres. Il faut pourtant que ça se connecte à un moment ou à un autre. J’ai du mal aussi à comprendre cette notion d’expertise dont le rôle dans l’atelier n’est pas encore clair pour moi. J’écris ici pour tester mon envie d’écrire ici et j’apprécie qu’on me dise rééllement si ce que je propose intéresse ou non. C’est aussi simple que cela. J’essaie de lire les autres et réagis lorsque j’en ressens la nécessité. Généralement pour continuer à apprécier. Encore merci Ugo,de me donner l’occasion de m’exprimer à ce sujet.

  2. un mélange de #6 et de #40 jours. Pourquoi pas ?
    En revanche « La patience des traces » de Jeanne Benameur ne m’a pas emballée (j’ai du mettre un mot dans babelio) et puisqu’il faut parler littérature j’ai de plus en plus de mal avec Annie Ernaux qui me fait penser à ma mère (alors que j’ai presque son âge).

    • Merci Danièle. Oui la franchise est la meilleure médiation pour avancer dans un dialogue autour de nos lectures et nos affinités littéraires. « La patience des traces » de Jeanne Benameur ( que je lis depuis longtemps) m’est proche en raison de l’histoire qu’elle raconte. Avec le « déglinguage « ambiant de la psychanalyse , je trouve fortiche qu’elle mette en scène un personnage qui va au bout des questions qu’il s’est mal posées, une sorte de rite initiatique à retardement, et surtout l’exemple du cordonnier mal chaussé qui répare les godasses des autres.Le voyage au Japon et la rencontre avec ce vieux couple d’artistes sans enfant , la symbolique du bol cassé en deux parties que l’on répare avec mille précautions et un fil d’or, me semble la métaphore du rapport à sa propre intériorité et vérité intime. Bien sûr, ce « voyage » on le retrouve un peu partout dans les textes de spiritualité ou le chamanisme où il est question d’abandonner sa carapace et ses prétentions pour aller à sa nudité et à sa vulnérabilité. La question de l’orientation amoureuse et des complications qu’elle génère dans l’âge adulte est aussi abordée, avec tact et tendresse. Je salue par ailleurs Jeanne Benameur d’avoir su montrer sur quoi peut déboucher une analyse bien menée et interrompue au moment où l’on peut marcher seul.e et assumer ses choix. J’ai aimé ce livre pour le calme narratif dont il est tissé et pour l’espoir qu’il donne à tout analysant ou curieux d’aventure intérieure. Je le trouve à mon goût et très bien écrit. Annie Ernaux me touche, précisément parce qu’elle vieillit et continue à écrire.