vers un écrire-film #06 encore ralenti | quai

Il est là, quelque part, dans le flou des silhouettes qui vont et viennent et font obstacle à ses yeux avides de le voir, ses yeux qui roulent d’un bord à l’autre du quai, paupières écarquillées, pupille dilatée quand elle croit mais non, paupières qui retombent, alourdies, yeux qui se ferment, bouche murmurant quelque chose, une prière, viens, s’il te plaît viens, ne te fais pas attendre, sillon des lèvres, narines qui palpitent, lueur, ombre survolant sa peau, battement de cils, elle ouvre de nouveau les yeux, la lumière vient y danser, les ombres, sang sous sa peau, afflux de sang, coup de sang, joue qui rosit, rougit, bouche qui s’ouvre, aspire l’air, prend une inspiration, avale une gorgée, comme pour une course, bouche qui s’arrondit, éclair de dents, trou humide de la bouche ouverte, grande, et cri, cri qui fait gonfler les veines du cou, cri qui fait s’enfler les muscles, saillir le triangle de la gorge, cheveux qui s’agitent et main qui s’élève, lève, au-dessus de la tête, des cheveux bouclés qui sortent du foulard, qui accompagnent le cri, l’épaule qui fait partir le bras en l’air, poignet au bout duquel s’agite la main qui fait signe, va-et-vient de la main comme un petit drap de peau au-dessus de la tête, main qui caresse l’air au-dessus de la tête, déjà anticipe le moment de le caresser lui après tant de temps, déjà, l’air est plein de sa présence même si elle est encore douteuse, encore à confirmer, l’air est digne de louanges, de caresses, puisque lui, l’air, rend possible son existence à lui, à elle, rend possible son retour, rend possible son corps contre le sien, son corps respirant contre son corps à elle, et elle respirant dans sa poitrine, s’enfouissant dans sa poitrine quand, mais ce n’est pas lui.