#04 cosmoroute Guillestre Bordeaux Rabat

Via Michelin l’assure : Guillestre / Bordeaux, 862,6 km en 8h17mn. Mission impossible. Je compte faire route buissonnière et tout au long du parcours m’arrêter pour rencontrer amis et famille, quitte à effectuer quelques détours.

Mardi : j’ai décidé de mon heure de départ en lien avec mon premier arrêt, si proche, Embrun et le resto familier de Colette dans la rue centrale. Menu du jour, une soupe délicieuse, un curry et sa divine tarte aux pommes. Et son rire éclatant, et sa joie de vivre communicative. Je reprends la route vers Gap, la maison d’Annie sur les hauteurs de la ville. Bavardage autour d’une tasse de thé vert. Lui rendre le livre qu’elle m’a prêté, Les Autonautes de la cosmoroute.. Oui, j’ai aimé. Oui, comme eux, je vais tracer mon chemin, ce sera vers Oraison pour atteindre le plateau de Valensole, le village de Puimoisson, l’atelier de poterie de Julie. Une amie de ma fille que je connais depuis qu’elles étaient ensemble à la maternelle. Le plaisir d’admirer ses dernières créations, des objets souvent utilitaires, en grès, décorés de motifs ethniques très épurés, aux couleurs minérales. Envelopper de ma main une tasse à la douceur rugueuse. C’est décidé, déclare Julie, ta première journée de voyage s’arrête ici. Nous dînerons auprès de la cheminée, tu dormiras dans la chambre bleue, la chatte se blottira tout contre moi.

Mercredi, 9 heures. Ouverture de la salle d’exposition, c’est le jour du marché. Embrassades. Et pour moi ce vase que j’ai admiré hier. À nouveau la route sinueuse dans la forêt de chênes, l’autoroute. Il serait simple de filer en évitant Aix. Mais non, l’envie de me prend de téléphoner à mon fils. Tu es chez toi ? Je peux passer en fin de matinée ? Et je bifurque vers Marseille. Je sais que je vais souffrir dans les interminables tunnels de la L12, des voitures sur six ou huit files, hurlement des moteurs, lumières clignotantes, phares aveuglants, vitesse à respecter, trop rapide pour moi. Les entrailles de l’enfer. Mais la joie de Bruno qui m’accueille, la douceur du sourire de Marie-Jo, le calme de leur maison. Et ce délicieux plat de sèches à l’encre, qu’il a eu le temps de préparer. Sa saveur d’iode. Une merveille. Le café sur la terrasse. Les dernières nouvelles familiales. Photos de mon petit fils avec sa copine du moment. Reste donc ce soir, je te mijoterai une soupe de poissons de roche. Impossible de résister. Tous deux partent travailler. Je furète dans la bibliothèque qui croule sous les livres, je m’installe dans un fauteuil. Je m’endors ! Je marche dans les ruelles paisibles, au loin Marseille rose et blanche, et la mer, et la Bonne Mère qui nous protège. Et la soirée paisible dans la joie d’être ensemble.

Jeudi, 7 heures, branle bas de combat. Direction le boulot pour les uns, pour moi la route, ne pas oublier mon objectif, Bordeaux et mon neveu qui m’attendait hier soir, hum, lui téléphoner. Foncer. Je résiste, je ne m’arrêterai pas à Salon saluer Paul qui entame sa première année de retraite mais halte indispensable à Montpellier, en coup de vent surprendre Gérard dans sa librairie, échanger quelques mots, repartir avec Vivre vite. Comment tu ne l’as pas lu ? Mais ne conduis pas trop vite, cette autoroute est dangereuse avec sa noria de camions. Je file. J’écoute France-culture. Je rêve. Voici le périphérique de Toulouse, surchargé encore. Patience. Respirer un bon coup. Voici Fronton, la maison et Mireille sur le pas de la porte. C’est un coup au cœur, c’est la première fois que je reviens depuis le décès de mon frère, lui qui aimait ce lieu à la folie. Les petits nains qu’il avait taillés dans des bûches et parés de barbes blanches et de bonnets de laine rouge sont toujours là pour m’accueillir. Lui n’est plus. Plus jamais son rire, ses moqueries, sa tendresse, notre complicité. Et la maison comme vide, malgré la gaieté de Mireille, ses larmes aussi lorsque nous regardons des photos d’avant, de lui, de nous. Tant de souvenirs en commun, de partage. Une soirée entre douceur et tristesse, et en fond les chansons de Brassens qu’il adorait. Une étape difficile, nécessaire et en moi le désir de m’éloigner. Dormir. Partir.

Vendredi, ce départ, presque une fuite. Vers Bordeaux où m’attend leur fils qui a organisé pour moi une virée trépidante de la ville, à la découverte de ses places, de ses fontaines, de ses parcs, ses lumières et de l’étonnante Cité du Vin. Mon neveu tout aussi trépidant que la ville, toujours prêt à organiser des plaisirs pour les siens et qui m’annonce, là, tout de go, que, oui, tu as tenu ton pari, Guillestre-Bordeaux, bravo, mais ton voyage ne s’arrête pas là. Dans deux jours, je rejoins le Maroc — il travaille pour une boîte internationale d’ingénierie et de management de projet – . Tu pars avec moi, je t’enlève.. C’est organisé, billets d’avion retenus, tu passeras le temps que tu souhaites à Rabat. —

Il sait combien j’ai aimé parcourir le Maroc autrefois.– Ensemble nous irons à Essaouira, à Fez, à Volubilis, enfin, où il te plaira.

Guillestre – Bordeaux – Rabat. Que voilà un détour magique vers l’ailleurs !

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