#40jours #01 | lorgnettes




Il y avait un point, noir, un comédon comme on dit, un mangeur de peau, s’il n’y en avait eu qu’un, on extirpait et on écrasait ces vers entre deux lamelles de verre et on observait grâce aux huit microscopes de la classe de troisième latin-sciences, section mixte, peaux grasses, le sébum, les kératinocytes, la mélanine, parfois même un acarien venu y loger, cinquante ans plus tard il y a un trou, noir, un collapsar comme on disait, je ne suis pas devenue une scientifique mais j’essaie de lire des vulgarisations, des chercheureuses de quarante pays, pourquoi quarante, ont associé la puissance de huit observatoires dans le monde pour réaliser la première image d’un trou noir, si j’ai bien compris un trou noir se formerait au cœur d’une galaxie quand une masse devient tellement concentrée qu’elle déchire l’espace-temps, formant un puits gravitationnel sans fond, tout ce qui s’en approche de trop près, même la lumière, ne peut alors en ressortir, la limite où tout reste piégé définit de cette façon une sphère parfaite d’un noir absolu, on parle alors d ’ « horizon des événements », vertigineux, au-delà de cette limite il n’y a plus de littérature possible, je regarde par la fenêtre, à l’œil nu, tout est toujours en place, une fumée légère, proche de la vapeur d’eau, sort du tube de cheminée de la maison d’en face, à la radio Brad Mehldau égrène en la décomposant au piano la mélodie de « These Foolish Things », et c’est très beau, j’aimerais trouver une forme de concentration qui fasse fondre toute chose en moi.

12 commentaires à propos de “#40jours #01 | lorgnettes”

  1. Bonjour Jean-Marie,
    on maelström sur les rives du texte, et oui le vertige, celui de la condensation qu’offre l’ecriture zoom arrière ici,

  2. Etonnant et maîtrisé. « une forme de concentration qui fasse fondre toute chose en moi », le contraire de la dispersion, m’interroge, une autre forme de présence au monde, très intéressant.

  3. C’est très étonnant, très beau, du point noir au trou noir à l’émerveillement.

    • Merci beaucoup, cela fait plaisir d’avoir encore une lectrice deux mois après la publication !