#40 jours #11 | Le fil rouge (2)

C’est la recherche d’un fil rouge qui l’a conduite là, dans cette station de métro qui est aussi une gare. Elle sort de ce couloir souterrain, débouche dans la station par une porte dérobée et elle se sait perdue, elle en a l’intime conviction. Elle connaît cette station, elle voit son nom, mais elle ne la reconnaît pas. Perdue, étrange sensation dans un lieu qu’elle fréquente pourtant régulièrement. C’est là que l’inquiétude la gagne. Perdue, elle ne comprend pas pourquoi. Peut-être parce qu’elle est entrée dans la station par un accès incongru, peut-être parce que la recherche du fil rouge l’a conduite dans une autre dimension. Perdue dans une autre dimension de la ville, oui, ça doit être l’explication. Existerait-il plusieurs dimensions dans une ville, des dimensions parallèles ou des dimensions qui s’imbriqueraient les unes dans les autres ? Quand tu ne reconnais pas les lieux où tu te rends régulièrement, tu serais dans une autre dimension. Mais qu’en est-il des possibilités de retour ? La peur s’installe, se saisit d’elle peu à peu, la peur d’être perdue dans une autre dimension sans retour possible. Elle s’assied sur un des bancs du quai de métro, à un endroit d’où elle peut voir le train qui passe sur la rampe en surplomb. Elle se demande si les gens qui passent voient qu’elle est perdue, voient qu’elle regarde autour d’elle égarée et hagarde, mais les gens ne regardent plus rien, ne voient plus rien, perdus qu’ils sont dans leurs pensées ou dans leurs rêves, comme elle, cette autre dimension où elle croit être perdue n’est peut-être après tout qu’un rêve. Oui mais comment sortir du rêve, elle a beau marcher de long en large d’un pas rapide, d’un pas plus lent, se rassoir, se pincer, du genre je me suis pincée pour m’assurer que je ne rêvais pas, la situation ne change ne change pas, elle se sent toujours aussi perdue. Elle se dit qu’elle devrait sortir de la station et voir si elle reconnaît l’extérieur, si elle retrouverait son chemin pour rentrer à l’hôtel, mais elle n’ose pas, elle a peur que la sensation d’être perdue l’accompagne à l’extérieur et s’entende à tout le quartier, à toute la ville, donc elle envisage de rester là jusqu’à ce qu’elle se dissipe, car elle repousse au plus loin possible ce qu’elle pense être l’ultime solution, celle de faire le trajet en sens inverse.

A propos de Catherine K.

Mon nom complet est Catherine Koeckx (prononcer Kouks). Citadine depuis toujours mais avide de nature et de grands espaces que je partage par la photo ou l’aquarelle (www.catherinekoeckx.be), je suis aussi passionnée par la ville (@bruxelles_autrement). Bruxelles mais pas que... J’ai publié Le Guide lovecraftien de Providence en 2021 (disponible sur Amazon.fr ou sur commande privée). Je viens de lancer mon blog littéraire Itinéraires pluriels (https://itinerairespluriels.wordpress.com).