#40 Jours # 28 | Comment acheter une robe

Tu peux pas garder ces vieilles frusques puantes. Il faut acheter quelque chose à te mettre il a dit. Quoi ? Acheter ! Il m’a emmenée dans une rue nouvelle, une rue folle de couleurs et toutes portes ouvertes, une rue chantante et tonitruante ou de fausses femmes sans tête s’agglutinaient derrière les parois vitrées. On est rentré. Il a choisi une robe verte sur un portant métallique parmi des dizaines d’autres. Pourquoi celle-là lui ai-je demandé ? La couleur t’ira bien il a dit je me demande bien ce qu’il entendait par là. Il en a choisi deux autres, une multicolore toute petite et une jaune très encombrante . Pourquoi celles-ci lui ai-je demandé ? Elles devraient bien t’aller aussi. Elles ressemblaient si peu à la première que je me demandais quelle loi régissait ce qui va et ne va pas. J’ai tâté les tissus, je veux la verte ai-je dit. Pourquoi m’a-t’il dit ? Elle est plus douce ai-je répondu. Il m’a conduit derrière un rideau qu’il a tiré sur moi, maintenant essaye-les… Je me suis retrouvée avec ces trois robes enfermée dans un endroit où l’on peut à peine se mouvoir, je m’y sentais mal, je ne savais pas quoi faire de ces robes, je n’ai jamais mis de robes, comment met-on une robe ? J’ai tourné la verte dans tous les sens, j’ai mis mes jambes dedans, et puis je suis restée coincée comme ça le derrière en l’air et ne sachant plus quoi faire. Comment fait-on? ai-je demandé. Comment fait-on quoi ? a-t-il répondu. Je ne sais pas faire, ai-je pleuré. Tu ne sais pas quoi ? Mettre la robe. Il est entré, c’était vraiment très exigu pour nous deux. Il faut ouvrir la glissière a-t’il dit. La quoi? Il s’est emparé d’un minuscule petit bout de métal pendu à la robe et il l’a ouverte en deux. C’est un drôle de couteau ai-je dit. Non c’est une glissière a-t-il répondu.  Lève les bras maintenant. J’ai levé les bras. Il a enfilé la robe sur mon corps, j’étais comme un couteau glissé dans un fourreau. Le tissu me caressait en passant. Mets ta main là. A-t-il dit ? Où ça ? ai-je répondu. Dans ce trou a-t-il dit et j’ai du me tordre un peu pour passer ma main dans le trou, et l’autre là a-t-il dit. Comment ça ai-je répondu c’est pas possible, si si, mets ta main, je vais t’aider. J’ai mis la main, la robe s’est redressée sur mon corps, il a refermé la glissière dans mon dos, ça a fait un petit bruit joli. Je me sens serrée. je ne respire pas bien là-dedans ai-je dit. Tu es belle, a-t-il répondu. Oui mais je suis  mal à l’aise, ai-je insisté.Je t’assure qu’elle te va très bien, a-t-il répondu. Regarde-toi dans le miroir. Dans le quoi ?

A propos de Catherine Plée

Je sais pas qui suis-je ? Quelqu'un quelque part, je crois, qui veut écrire depuis bien longtemps, écrit régulièrement depuis dix ans, beaucoup plus sérieusement depuis trois ans avec la découverte de Tierslivre et est bien contente de retrouver la bande des dingues du clavier...

11 commentaires à propos de “#40 Jours # 28 | Comment acheter une robe”

    • Yeap ! Merci Danièle, ne lâchons pas les protocoles mais 10 ans de chronique mode, j’ai eu mon lot sur les nippes et quoi en faire!

  1. Quel texte étrange, Catherine !
    J’en suis tout retourné…
    Merci pour cette étrangeté !

  2. C’est à la fois drôle, étrange et émouvant. J’y penserai quand j’essaierai une robe

  3. C’est très drôle, ce petit personnage complètement balloté, très vivant, on adhère, on s’identifie.