#40j-02 – façades Le petit pensionnat

38 boulevard Longchamp, le petit pensionnat. Trois fenêtres de façade, un immeuble classique marseillais.

Au rez de chaussée, donnant sur la rue, le hall carrelé noir et blanc, la sœur tourière filtre les entrées et les sorties, un vrai dragon. Le salon de réception : entre les deux fenêtres aux rideaux épais, le tableau d’honneur, y sont épinglés les noms des écolières studieuses et sages, les parents qui discutent avec les enseignants sont fiers de leur progéniture. Sur le jardin, on devine le grand réfectoire : deux longues tables de marbre, des bancs. Après la messe, le petit déjeuner des fillettes, thermos, tartines, le silence exigé, parfois une lecture de la vie des saints par l’une d’elles. La cuisine et ses travailleuses – des novices souvent – sont invisibles, odeurs de chou et de javel.

Au premier étage, la classe des 6ème, sous la férule de Mlle Isnard, un cerbère. Carreaux des fenêtres peints en blanc, enfermement. Côté jardin, la classe de Mlle Bontoux, toute de douceur et de tendresse. Sur les pupitres, la méthode Boscher ouverte. Une élève emplit les encriers d’encre violette. Odeurs de craie et des fleurs du magnolia par la fenêtre ouverte. À côté, le bureau de la Directrice, Mlle Dalle. Austère le bureau, comme la femme toute de noir vêtue, chignon strict, croix pendant sur sa poitrine plate. Sa porte est toujours ouverte, elle surveille tout, l’œil aux aguets. Un oiseau de proie.

Au deuxième étage, sur la rue donne une grande pièce, pour travaux pratiques. Des chevalets, des paniers de couture, des dessins affichés sur les murs, des bouquets de fleurs séchées, un coin infirmerie, un tout petit rien de désordre. À côté, la chapelle, sobre, un Christ en croix décharné, terrifiant, des prie-Dieu raides qui esquintent les genoux, des lys, des roses, odeurs d’encens et de sainteté.

Impossible d’enlever la façade du troisième étage, trop rigide, veillant à sa fonction de prison, volets clos barricadés, protégeant les cellules – et la vertu – des religieuses, hors le monde, hors le siècle, invisibles et au plus près de Dieu.