# 40 jours # 11 / Rendez-vous

Automne. Rendez-vous. Soixante-deux rue Rebéval. Six heures du soir. Sortir métro Belleville. Prendre à gauche. Non. À droite. Non. À gauche. Non. C’est ça. À droite. Ce grand bar-brasserie. Là. Il va pleuvoir. Bientôt la nuit. Ciel. Noir. D’encre. Le boulevard. Première. Non. Deuxième à gauche. Non. Pas ça. Alors troisième. Oui. Troisième. Plus de panneau. Marcher. Tête courbée. Vent. Violent. Trouver. Un panneau. Premier croisement. Ramponneau. Peut-être ça. Sans doute. Continuer. Il va pleuvoir. Orage. Éclairs. Comme. Nuit tombée. Remonter. Encore. Ça monte. Sûr. Dernière fois. En hauteur. Dans un tournant. C’était là. Ressemble pas. Presque pareil. Mais. Ressemble. Seulement. Dix minutes. Laisser une rue. À gauche. Revenir. Rebrousser. Non. Pas si bas. Continuer. Monter. Encore. Commissariat. Pas remarqué. Dernière fois. Pas la peine. Demander. Le chemin. Aux flics. Pas la bonne rue. Pas possible. Revenir. Vers la gauche. La rue d’avant. Deuxième. C’est ça. Deuxième. Pas troisième. Tourner plus loin. Pour retrouver. Rue parallèle. Monte aussi. Colline. Se rappeler. Éclair. Un. Deux. Trois. Quatre. Cinq. Tonnerre. Lesage. Rue Lesage. Cour Lesage. Trop petit. C’était plus large. Se rappeler. L’autre fois. Il pleut. Sentir les gouttes. Perdu. Boulevard. Disparu. Laissé en bas. Rejoindre la transversale. Julien-quelque-chose. Pas de souvenir. Pas un chat. Oui. Julien-Lacroix. Prendre. À gauche. Chercher. Autre rue. Qui monte. Monter. Encore. Pas par là. Terrain vague. Très grand. Très grande pente. Ne pas se rappeler. Passage Julien-Lacroix. Clôtures. Monte. Béton. Trop raide. Poteaux. Tournant. Pavés inégaux. Vingt minutes. Grossiers. Grave. Redescendre. Il pleut. Ciel noir. Pas de lampadaires. Pas encore allumés. Pas un chat. Croisement. Bisson. Pali-Kao. Autre terrain vague. Pas là. Non plus. Il pleut. Fort. Capuche. Épaules mouillées. Pas chaud. Pantalon mouillé. Être en retard. Pas bon. Il fait noir. Squat. À droite. Personne. Hall. Usine. Désert. Musique. Fond du bâtiment. Punk-rock. Ne pas entrer. Vraiment pas là. Perdu. Cette fois. Ça ressemble plus. Du tout. Rechercher. Boulevard. Reprendre. Peut-être à gauche. Quand même. Sûr. Trop sûr. Pourtant. Se tromper. Toujours. Ne pas connaître. Pas reconnaître. Éclair. Un. Deux. Tonnerre. Violent. Retrouver. Ramponneau. Pas la retrouver. Perdu. Aller vers le boulevard. Vent. Pluie. Sur les lunettes. Ne rien voir. Boulevard. Où. Descendre. Ah. Là bas. Lumières. Voitures. Y aller. Rue Bisson. Trempé. Enfin. Retrouver le métro. S’abriter. Descendre. Les marches. Essuyer. Les lunettes. Les cheveux. Mouchoirs. Pleurer. Une demi-heure. Presque. Perdue. Retard. Honte. Demander. Rebéval. Connais pas. Vers là-haut là-bas. Dans le quartier. Parle pas français. Prendre. Rue de Belleville. Tout droit. Trottoir de gauche. Monter. Passer trois rues. La quatrième. Prendre. À gauche. Descendre. Jusqu’au soixante-deux. Cinq-dix minutes. Grand maximum. Merci. De rien.

A propos de Fil Berger

Fil Berger, je, donc, compose les textes qu’il écrit avec des artefacts sonores et graphiques et ses pièces musicales avec des artefacts d’écriture et graphiques. Le tout cherche, donc, une manière d’alchimie modeste située entre ces disciplines. Il a publié des livres d’artiste avec le plasticien Joël Leick chez Æncrages et Dumerchez. Quelques revues comme Paysages écrits, Traction Brabant ont retenu des textes. Il a travaillé et composé des pièces musicales documentées sur CD. Il a partagé pendant plus de vingt ans des moments de création avec des chorégraphes, des plasticiens, des auteurs, des improvisateurs et des compositeurs. Il a animé des ateliers d’écriture et de partitions graphiques avec des personnes de toutes sortes. Fil Berger, je, donc, est un improvisateur qui compose et performe en forgeant ses propres outils, ses champs lexicaux, ses instruments, sa présence au monde en les mettant sans cesse en variation continue. Son travail est la recherche de convergences multiples entre... l’idée et la pratique du « baroque » et... la pratique et l’idée de l’insurrection « œuvrière » autonome.

10 commentaires à propos de “# 40 jours # 11 / Rendez-vous”

  1. Ca alors ! Toujours ravie de voir comment à partir d’une même proposition s’ouvre l’éventail des possibles. C’est drôle ce texte quasiment burlesque. J’adore ce parti pris de la phrase courte. Nominale. Hachée. Qui bute sans arrêt.

  2. Bonjour Émilie
    Très content de trouver un si gentil message ce matin !
    Un grand merci !
    Le parti pris d’écrire comme ça oblige le ( la) lecteur (trice) à quelques contorsions, mais je pense qu’on peut s’y retrouver…
    Encore un grand merci pour cette lecture !!

  3. Un deux trois PERDU… le rythme et le jeu formidables des sonorités, lèvent (un peu) l’angoisse de la situation.

    • Merci mille fois, Nathalie, pour avoir été sensible aux jeux de sonorités.
      Merci pour ton retour si bienveillant !
      Bonne journée à toi… et bonne écriture !

  4. mais je lis le 11 après avoir lu le 12… et je vois que tu as un parti pris dans l’écriture, mot à mot…
    est ce que c’est pour cette saison ou parce que… ? je me demande…
    finalement tu fais ce que tu veux et tu me moques un peu des propositions, non ?… (sourire)

    • J’ai ce parti-pris depuis le cycle « Faire un livre » de l’an dernier.
      J’essaie de travailler le rythme et la musique des mots.
      Même si ça a peu de choses à voir, je me considère sous l’influence de Danielle Collobert, connue grâce à François.
      Sinon, je m’efforce de suivre les consignes, même si, à cause du style pointilliste, ça ne saute pas aux yeux à chaque fois.
      Merci pour ton retour, qui me permet de me poser des questions importantes !😃

      • merci de tenir compte des remarques et notes lancées après lecture rapide, mais après, on y revient…
        en fait j’avais oublié de puis Faire un livre ta quête aussi précise dans ce rythme qui est le tien et que tu cherches à bouger remuer néanmoins en fonction de…
        je reparcours et ressens…
        à bientôt Fil

  5. Grand merci à toi, Françoise !
    Tes retours sont toujours les bienvenus.
    À bientôt.

    • Merci Danielle !
      Cette façon d’écrire, je la dois à François et aux ateliers. Pendant ce cycle, je voudrais continuer à expérimenter ça.
      Merci encore pour votre retour !