#40jours #00 | lieux disparus (en chantier…)

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Mur en béton de deux mètres de haut qui borde la rue pentue en dégradé de gris ocre brun graff bleu noir blanc, sur lequel l’œil attentif reconnait à mi-chemin le rectangle à l’âme murée d’une ancienne porte, et pour seuls vestiges, deux lignes verticales de pierre de taille enserrées dans le béton et la ligne horizontale de la traverse supérieure fantôme qui vient briser en son milieu la diagonale du mur parallèle à la rue : cette porte emmurée marquait l’entrée d’une maison particulière rue de L’Historien Lacour, rasée et remplacée par le parking irrégulier et accidenté d’une blanchisserie.

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Le cadre blanc en béton d’une porte dont il ne reste qu’une grille rouillée en haut de quelques marches envahies de végétation donne accès à une vaste dalle de béton mangée par les herbes et les lianes : le 7 octobre 2021, un incendie ravage en pleine nuit le squat de bric et de broc qu’était devenu l’ancien monastère Saint-Antoine et dont la bâtisse en bois s’organisait autour d’une petite cour avec en son centre une statue de Saint-Antoine de Padoue, seule rescapée au petit matin du naufrage de bois et de tôles, avant d’être déboulonnée quelques jours plus tard et d’être emportée dans les caves de l’évêché.

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Sur un grand mur, un graff immense représente un homme aux cheveux rouges et lunettes de soleil colorées, un doigt posé sur la lèvre inférieure, le tout sur fond noir et sur lequel se détache six carrés en acier vides tandis qu’à gauche de ce grand mur une grille noire et ouvragée marque l’entrée d’un squat : façade extérieure de l’ancien cinéma de quartier de Bas-du-Bourg, le Tivoli – une lettre pour chaque carré d’acier, toutes disparues – ravagé par un incendie le 22 mai 2020 et dans lequel on projetait dans les années dans les années 70 et 80 des western, des films de karaté ou des films X – on raconte que les séances étaient toutes pleines et qu’il fallait faire la queue très tôt pour espérer trouver une place – le graff rend hommage à Pierre Georges Mondor dit Ti Bordo, photographe renommé du quartier… graff, photographie, cinéma, mur palimpseste de la mémoire visuelle d’un quartier.

A propos de Émilie Marot

J'enseigne le français en lycée où j'essaie envers et contre tout de trouver du sens à mon métier. Heureusement, la littérature est là, indéfectible et plus que jamais nécessaire. Depuis trois ans, j'anime des ateliers d'écriture le mercredi après-midi avec une petite dizaine d'élèves volontaires de la seconde à la terminale. Une bulle d'oxygène !