#40jours #14 | numéro d’écrou

C’est la troisième fois en un an qu’ils la ramènent. Ils la ramassent dans la rue quand elle crie trop. Dans le quartier on la connait.  D’abord elle se débat. Puis elle se terre dans son silence. Elle a toujours sa boite avec elle dans un sac ­— un sac de sport tout bête avec une bandoulière de toile—, une boite à biscuits. Dedans ce sont des photos, des portraits, des visages de femmes pour la plupart; et celle d’un cheval et d’une truie: mon père et ma mère, elle dit, quand on lui demande; d’eux, elle parle volontiers et des champs à perte de vue. Une pochette contient une carte d’identité (date d’émission septembre 1995), une carte de piscine de 1998, une  carte orange de la même année, sur la photographie on la reconnait bien, un trousseau de trois clés, un briquet Bic bleu, une enveloppe avec tampon et un numéro d’écrou. Un bracelet de naissance et un avis de décès émanant de la maternité de Versailles en date du 20 janvier 1999. Aujourd’hui  sa carte d’identité valide est tombée dans la doublure de sa robe. La femme de l’accueil qui a la peau noire et un visage très doux — sur son badge est écrit Sylvie—, extirpe la carte de la doublure puis elle lui demande de signer le formulaire. Après on la conduit dans une chambre avec deux lits, elle prend une pilule bleue et enfile la chemise de nuit. Elle passe la nuit avec une femme qui allaite un bébé très gros. C’est une femme qui attend son transfert.

A propos de Nathalie Holt

Rêve de peinture. Quarante ans de scénographie plus loin, écrit pour lire et ne photographie pas que son lit.

8 commentaires à propos de “#40jours #14 | numéro d’écrou”

    • Je viens de l’écouter ne connaissais pas Merci beaucoup Piero (à part Hors saison ne connait pas trop Cabrel )

  1. Quelle force Nathalie. Avec exactement 261 mots vous nous mettez à distance du réel qui saute à la gorge et par ce minimal clinique des mots vous nous plongez dans l’émotion terrible, brutale. Un coup de poing. Merci Nathalie Holt.