A bout de course

S’étourdir. Ne plus penser, ne plus pleurer. S’enfermer. Ne plus écouter les sanglots qui la déchirent. Dans ce lieu animé, elle se laisse aller, foule, musique criarde, cris de joie des enfants, bruits de partout, tout autour, les manèges font le plein, tournent à toute vitesse, montent de plus en plus haut, font retomber les courageux, les téméraires, d’une altitude vertigineuse. Le cœur tressaute, tremble, speed, éprouvé, les jambes flageolent au contact du sol. Creux dans l’estomac et grand sourire aux lèvres. Elle ne les voit pas, elle ne voit personne, elle marche, de manège en manège, elle les connaît tous, depuis l’enfance, ceux qui font voler haut, ceux qui font se gondoler de rire, ceux qui demandent de l’adresse ou de l’équilibre à toute épreuve. Elle ne voit personne, et personne ne la regarde. C’est ce qu’elle veut. Se blottir dans le bruit pour ne plus entendre. S’enfoncer dans la foule pour se sentir seule. Son cœur tressaute, elle n’a pas besoin de manèges. Ses jambes flageolent, vacillent, elle titube, un bateau ivre. Dans la foule des joyeux, des festifs, elle creuse son chemin, inaperçue. Avance, prend ce passage trop familier pour réfléchir à l’itinéraire. Mais elle n’a pas d’itinéraire. Elle veut juste faire une pause dans sa tête, sauter une étape, changer d’espace, annihiler les pensées, perdre conscience. Là, tout de suite, elle ne veut être personne.

A propos de Monika Espinasse

Originaire de Vienne en Autriche. Vit en Lozère. A réalisé des traductions. Aime la poésie, les nouvelles, les romans, même les romans policiers. Ecrit depuis longtemps dans le cadre des Ateliers du déluge. Est devenue accro aux ateliers de François Bon. A publié quelques nouvelles et poèmes, un manuscrit attend dans un tiroir. Aime jouer avec les mots, leur musique et l'esprit singulier de la langue française. Depuis peu, une envie de peindre, en particulier la technique des pastels. Récits de voyages pour retenir le temps. A découvert les potentiels du net depuis peu et essaie d’approfondir au fur et à mesure.

6 commentaires à propos de “A bout de course”

  1. Monika, ton personnage, inaperçu, creuse son chemin… Prend un passage trop familier pour réfléchir à l’itinéraire… qu’elle ne connaît pas finalement. Et si elle n’y réfléchissait pas trop à cet itinéraire ? Et si justement elle sortait du passage familier ? (entre nous, tu sais pourquoi ce retour sur ton texte !) Hâte de lire la suite !

    • Merci, Marlen, le personnage m’habite depuis un moment, évolue depuis peu, qui sait où elle va m’amener, je ne me sens pas du tout en terrain familier…

    • Merci pour cet encouragement, je ressentais un vrai besoin de commencer ainsi, et maintenant? C’est vrai que le suspense m’a surprise aussi…énigme du personnage…

  2. Ce personnage qui tourbillonne comme les manèges de son enfance, j’aime cette écriture qui alterne ce tourbillonnement du manège et de l’intériorité. C’est un voltige et on se sent envoler.
    Rendre cela encore plus resserré?

    • Merci pour le petit mot, pour la suggestion…
      Plus resserré, pour l’instant, je ne sais pas, je tourne autour et suivant les propositions, je creuse, j’essaie de soulever des strates, ça rallongerait plutôt…je m’essouffle et je cours après les L et les P, je ne vois pas où j’aboutirai, mais je trace…